L'École Shiinomi (Shiinomi gakuen) (1955) de Hiroshi Shimizu
Les enfants sont cruels et la vie est une teigne. Shimizu se penche une fois de plus sur des enfants, des enfants en situation de handicap physique. Il se focalise sur l'histoire d'une petite famille qui n'avait rien demandé et sur laquelle va s'abattre coup sur coup deux malheurs ; l'ainé des gamins, suite à une forte fièvre, est atteint de paralysie infantile ; il boîte sévère et se voit rejeter par ses camarades qui non seulement lui refusent de jouer au base-ball mais qui, en plus, à l'occasion, se moquent copieusement de lui. Le père serre des dents, tente de ne pas jeter de l’huile sur le feu, mais voit bien que son gamin aura des difficultés à s'épanouir dans un tel cadre. Puis le second fils est touché par la polio... Misère de misère, il est encore plus handicapé que l'ainé, peinant à se dresser sur ses pattes. Le sort s'acharne quand le troisième se casse les deux genoux en jouant aux billes. Non, il n'y a pas de troisième, tout de même... Ces deux cas suffisent amplement pour faire réfléchir les deux parents : et si on créait une école pour venir en aide à tous ces gamins en situation de handicap, se demandent-ils ; une école adaptée totalement pour eux, loin du regard ignoble des autres gamins. On est parti, dans cette seconde partie de l’œuvre, pour une tranche de pédagogie active... Mais un autre coup de tonnerre va tomber sur l'un de ces pauvres enfants boiteux : il est super bien accueilli par ses camarades, mais totalement rejeté par son père et sa belle-mère. Ces derniers ne sont même pas capables de lui écrire une missive en réponse à la sienne... Le gamin somatise et sombre, des nuages noirs s'amoncellent une fois encore sur ce film tout à la gloire pourtant de la combativité de ces gamins.
Il est des scènes assez dures notamment lorsque toute une ribambelle de gamin se met à boiter pour se moquer de l'ainé des garçons qui fréquente alors encore l'école classique ou cette scène qui concerne, elle, le père, un père qui vient d'apprendre que son deuxième gamin risque de ne plus pouvoir marcher : ce travelling-avant sur ce père partant de dos dans ce couloir désert fait résolument froid dans le dos... Cela n'empêchera point le réalisateur de montrer dans la seconde partie des gamins pleins de joie et d'allant dans cette école qui leur est toute dévouée ; qu'il s'agisse du jeu du petit train ou de ces scènes d'encouragement pour qu'un gamin qui a chu trouve la force de se relever tout seul, on sent à chaque fois dans ces séquences une vraie dynamique pour ne pas se laisser aller à la fatalité, pour garder la tête haute malgré ces circonstances difficiles ; à l'image de cette scène où les deux parents encouragent leurs propres enfants à monter les marches des escaliers, il y a toujours la volonté de se battre et de continuer d'être fier de soi - finalement, les seules choses qui fracassent ou tuent ces gamins, c'est le regard torve des autres ou l'abandon des parents. On a droit à nos périodes de doute (la prof sur le point de craquer), à nos périodes de tristesse absolue (ce final borzagien avec ce gamin à l'article de la mort entouré par toute l'équipe de l'école) mais aussi à nos périodes de joie avec, autre marque de fabrique de Shimizu, ces chansons que reprennent en chœur les gamins, autant de signes de cohésion et de solidarité – les lettres hommages au gamin qui les a quittés risquent également de ruiner votre masque chirurgical. Une œuvre sensible pleine d'un optimisme forcené et joliment filmé, à hauteur de ces gamins tout de guingois mais volontaires.