L'Amour d'une Mère (Bojō) (1950) de Hiroshi Shimizu
Voilà encore l'un de ces films tout mignon (et doux-amer) comme seul Shimizu sait les faire : une mère, trois gosses, elle aimerait bien s'en débarrasser pour refaire sa vie... en se mariant ou en gérant un bar. C'est sur cette ligne aussi fine qu'une pointe Bic que le cinéaste nippon développe sa trame. La (mauvaise) mère doit aller taper la famille proche pour ne plus être enquiquinée par ses propres gamins. Il y aura d'abord le frère, puis l'oncle, puis une femme soi-disant sans enfant, puis la nounou... Pourront-ils accepter les trois gamins d'un coup ou au moins se charger d'un ?... La mère indigne trace sa route en train, en bus, à pied surtout, en voulant aller jusqu'au bout de sa logique...
Autant le dire tout de suite, cette femme n'est pas du genre à rigoler ni à se fissurer devant les pleurs des gamins. Elle a une mission qu'elle s'est fixée et elle n'est pas du genre à laisser tomber en route... Du coup, c'est pas franchement sur elle qu'il faut compter (à moins d'une soudaine prise de conscience, sait-on jamais ?) pour pouvoir ressentir des petits picotements dans l'échine (de plaisir) ou dans les yeux (d'émotion). Ce rôle-là sera plutôt dévolu aux gamins, et à l'aîné en particulier, incapable, lui de se décoller de sa mère... Le gamin à la fâcheuse tendance d’écœurer les gens qui voudraient éventuellement le garder (il chougne à tout bout de champ ou pisse à tout bout de lit) mais il est aussi capable, le cas échéant de créer des liens avec des personnes croisées en chemin ; c'est notamment le cas avec cet artiste qui croise la route de la mère en début et en milieu de parcours. Le gamin trouve enfin une oreille attentive et un adulte digne de ce nom pour faire attention à lui - qu'il se baigne avec cet homme ou qu'il l'accompagne en pleine campagne, le gamin trouve en lui un fidèle allié (un allié, qui, se dit-on, lorgne sur sa mère - ou pas...). En dehors de ces petits moments légers où le gamin peut enfin oublier la mission "débarras" de sa mère, il faut reconnaître tout de même que le climat est un peu lourd. On est dans l'après-guerre, chacun a su déjà faire des sacrifices et sait qu'il faudra continuer d'en faire. La mère est en mode survie et fait tout pour trouver des gens capables de la soulager ; elle voit bien qu'elle n'est pas la seule à avoir des petits problèmes de gosse à garder (la grand-mère de la troupe de théâtre en charge de sa petite fille...) mais sa volonté et, comme elle l'avoue elle-même, son égoïsme semblent plus fort que tout. Heureusement vu le titre français et connaissant Shimizu, on peut légitimement garder l’espoir d’une porte ouverte à un éventuel happy end - la toute dernière scène dont je ne livrerai point la teneur en détail consistant en une bien belle scène de joie/soulagement enfantin(e). On sort de la chose, pourtant un peu tendue (la mère dénuée de moyen), démontrant quelques vicissitudes de la vie (l'enfant rejeté, mis de côté) tout attendri. Bo jeu.