LIVRE : Dominique A, solide de Dominique Ané & Grégoire Laville - 2020
4ème livre de Dominique A, et retour éternel sur plus ou moins les mêmes choses : comment un petit garçon solitaire et timide de Provins a découvert Depeche Mode, s'est émancipé de son milieu, a révolutionné la chanson française en amenant de nouveaux sons avec La Fossette, et a fini par devenir l'auteur de "Immortels", du "Courage des Oiseaux" et de "Eleor". Cette fois-ci, il est face à un interlocuteur qui s'y connaît, Grégoire Laville, discret et le laissant parler à sa guise, mais aussi pertinent dans ses questions. Au programme : un tour chronologique dans la vie de Dominique A, depuis ses origines jusqu'aux albums récents, avec, entre les grandes étapes, des grandes thématiques qui sont abordées : l'écologie, le fric, les racines, la fameuse scène nantaise, le rapport à la mort, les amours, les fidélités, etc. Questions auquel le bougre répond avec beaucoup de liberté, manifestement très à l'aise avec ce journaliste-là, allant même parfois jusqu'à l'introspection assez poussée, peu timide en tout cas quand il s'agit de parler technique musicale, poids des mots ou qualité de sons.
Tout fan du gars doit absolument lire ce livre qui nous montre un Domnique A assez inattendu. Si aucune révélation fracassante ne s'y fait jour, on est très supris par la radicalité et la franchise d'un type qu'on imaginait peu disert et un peu lisse. Il sait exactement ce qu'il veut, est prêt à tout pour trouver le bon son, le bon musicien, la bonne ambiance de studio, et n'hésite pas à se brouiller avec certains ou à virer des collaborateurs s'il n'atteint pas son but. Avec une sincérité totale, il parle de ces conflits humains, de la solitude à plusieurs que constitue la création d'un disque et la tournée ; et on voit se dessiner sous nos yeux une absence de compromis, une sûreté dans les goûts, voire une certaine radicalité qui forcent le respect. Il fallait sûrement ça pour faire accepter La Fossette. Quand Dominique A se laisse convaincre par d'autres, il n'aime pas les albums en question, et ne se gène pas pour le dire, très critique vis-à-vis de son travail (en gros, un seul album à sauver véritablement : Auguri). De même pour ses goûts musicaux : s'il est particulièrement dévot par rapport à Depeche Mode, Police, Manset, Philippe Katerine ou Bashung, il envoie paître sans autre forme de procès Jean-Jacques Goldman, Daft Punk ou Nekfeu ; et s'il se montre fin connaisseur sur le post-rock français des années 80, il avoue son ignorance du rock (qu'il déteste) ou sur la discographie des Beatles ou des Stones. Bref un univers à lui, quoi, surprenant (sa déclaration d'amour pour Calogero) et pointu (le catalogue de ses goûts électro). Mais c'est aussi dans ses belles réflexions théoriques qu'il est touchant : l'importance du thème de la trace dans ses chansons, ses élans écolos pas du tout naïfs, son goût pour les micro-détails de production, sa vision de la famille, ses amitiés... Le portrait d'un homme intelligent et sans concession, malgré son caractère "en dedans", plein de contradictions (l'album à venir est toujours fait en opposition avec le précédent), fragile parfois mais en tout cas, oui, solide : le titre est bien trouvé.