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17 juin 2020

Le Christ s'est arrêté à Eboli (Cristo si è fermato a Eboli) (1979) de Francesco Rosi

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On se fait plaisir avec cette version longue (3h20 en quatre parties, de la petite soupe) du film de Rosi. Les aventures non trépidantes et pourtant ô combien prenantes d'un docteur-peintre exilé par le pouvoir fasciste (on est en 1935) en Lacunie (le plein sud de l'Italie entre les orteils et le talon de la botte) : un homme apaisé, observateur, qui va découvrir ces vies de paysans oubliés par l'histoire, par le gouvernement, et même par Dieu... L'excellent Gian Maria Volontè incarne cet homme droit dans ses bottes qui va peu à peu devenir une référence parmi ces êtres de peu, certes, mais rapidement conscients de sa valeur. Volontè finit par se fondre totalement dans ce paysage, cherchant, avec les moyens du bord, à soigner quand il le peut ces personnes tristement abandonnés à leur sort. Il doit faire face à la défiance du maire fasciste, à son discours stéréotypé, vain, mais les sources de satisfaction ne sont heureusement pas si rares. Notre homme de culture sympathise avec les gens du cru, ces paysans, ce prêtre qui louche un peu trop sur l'alcool mais qui a su garder malgré tout toute sa lucidité, cette femme de ménage (magnifique Irene Papas) avec ses superstitions d'un autre âge mais aussi son charme indéniable malgré les années... Une expérience pleine d'humanisme, de petits plaisirs, qui va marquer durablement notre homme épris de justice. Mais comment agir pour ce peuple oublié du Rome et des cieux, c'est encore une autre histoire.

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On est dans le récit tranquille, peint par petites touches et ce découpage en quatre parties, qui donne au film des allures de feuilleton, sied particulièrement à cette œuvre dont on retrouve à chaque fois les mêmes petits motifs touchants. Le film s'ouvre avec un homme escorté par la police qui ne trouve rien de mieux, en route, sur le quai de la gare, d'adopter un bon vieux toutou abandonné. Gian, dès le départ, gagne tout notre respect et notre sympathie. Des âmes quelques peu en perdition, il va en croiser dans cette Lucanie où la terre a quelque chose de lunaire. Pour un exil, même au sein de son propre pays, c'en est un. Volontè met quelque temps à prendre le pouls de cette terre rugueuse mais à la suite de la visite de sa sœur (Lea Massari, la classe), il va commencer à s'impliquer de plus en plus au sein de cette communauté : en s'installant dans une maison avec une terrasse qui offre une vue imprenable sur les montagnes alentours, en soignant les personnes qui viennent à lui, en peignant ; sans avoir à se forcer, Gian s'ouvre totalement à ce petit monde bourré de croyances païennes et tente de tout faire pour les soulager. Lorsqu'il se voit interdire par le maire ses pratiques médicales, notre homme ne cède en rien à ses principes pour obtenir gain de cause et soigner à nouveau nos pauvres paysans. Une amitié véritable se crée entre lui et ces habitants, toujours prêts à lui offrir un petit cadeau (une bouteille d'huile d'olive dont j'aurais justement besoin), à chanter pour lui, à supporter ses combats. Cet homme de Turin devient l'un des leurs et tous les gens, qui viennent le saluer au moment de son départ, à la fin de cet exil de trois ans, démontre à quel point notre homme toujours à l'écoute, plein d'humilité, a su gagner leur cœur. Un pays sauvage, surement (la séquence du « soigneur de cochon » avec ce géant sorti tout droit des enfers), mais, malgré le brouillard, plein de chaleur (le bambin de la femme de ménage amenant des figues à notre bon docteur entouré d’enfants pour fêter Noël : presque rien que ce cadeau, presque tout au niveau de l’intention…) Sur une musique très doucereuse de Piero Piccioni, on suit ces non-événements qui imprègnent la vie de notre homme avec une grande empathie. C'est tout le charme de ce cinéma italien vintage, avec cette population parfaitement peinte, avec ce récit hautement politique (il est beaucoup question de la conquête de l'Ethiopie - pourquoi se préoccuper de ce territoire lointain quand on est incapable de gérer proprement le sien ?...) sans avoir à faire de grands discours bruyants (contrairement à ceux du Duce) ; un charme qui finit par nous gagner tant Rosi a su faire preuve de justesse, de tact, de sens du détail pour nous nous conter cette épopée en miniature d'un village d'un autre temps, d'un autre monde. Le Christ s'est sans doute arrêté à Eboli mais n'en a pas moins béni cette œuvre de Rosi. Une belle leçon de vie et de cinéma en toute sérénité.

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