LIVRE : Cent Millions d'années et un jour de Jean-Baptiste Andrea - 2019
Deuxième service pour Jean-Baptiste Andréa après le très joli Ma Reine, et service gagnant, puisque son nouveau livre a de la classe et de la beauté. Il a compris que les seconds romans sont les plus durs à réussir, et nous propose donc une histoire plus feutrée, moins tout feu tout flamme que son premier, comme s'il en gardait un peu sous le pied pour la suite. Mais cette oeuvre en mode mineur reste tout de même diablement bien tenue, et c'est même justement par sa modestie qu'elle emporte la partie. Pourtant, du grandiose au menu : Cent Millions d'années et un jour nous emmène dans les extrêmes et marche sur les traces des grands aventuriers du passé ; il n'aurait pas dépareillé sous la plume d'un Coppens ou d'un Frison-Roche. Parce qu'un jour il a entendu la confession d'un vieil homme, Stan, paléontologue se met en tête de partir pour dénicher le Graal : un squelette de brontosaure qui aurait été aperçu il y a longtemps dans une lointaine montagne italienne, ce qui constituerait une découverte historique lui valant à coup sûr la célébrité. Mais avant les honneurs, c'est de renouer avec son enfance qu'il espère, une certaine façon d'être fidèle à son esprit de jeunesse, et par la bande de retrouver ce qu'il a perdu, son chien adoré, son père brutasse et une certaine conception de la vie. Il réunit alors une bande d'explorateurs, collègues de travail et guides taiseux, et entreprend la grande fouille au coeur de la montagne sauvage et dangereuse. Ce squelette n'est-il qu'un fantasme ? Notre ami survivra-t-il aux tensions de groupe, à la grande solitude et aux températures glaciales ?
Avec patience, le roman raconte le quotidien de ces hommes de l'exrême parfois peu armés pour l'aventure, l'esprit de camaraderie, les espoirs et les déceptions, les brouilles et les grandes catastrophes de cette quête tout autant intime qu'historique. C'est haletant, le suspense tient tout au long du livre, et on est littéralement pendu aux basques de ce Sam qui réussit à entraîner toute une équipe dans cette épopée insensée par sa seule force de conviction et sa seule obsession. Andréa sait parfois quitter la route des événements enneigés pour nous présenter des personnages attachants : non seulement le principal est très bien pensé, avec ses petites fêlures d'enfance, ses souvenirs mal digérés et l'ambiguité de sa quête, mais ses camarades de voyage sont tout aussi fascinants. Les guides silencieux qui connaissent la montagne par coeur, les collègues scientifiques (et cette très belle idée du ventriloque et de sa marionnette qui dit tout haut ce que tout le monde pense bas), ont tous droit à leurs spécificités, à leurs caractères joliment creusés, sans en faire trop dans la psychologie. Andréa réussit par ailleurs très bien la délicate balance entre grand roman d'aventures et exploration intime d'une psyché, et son livre se suit autant comme un suspense que comme une douce plongée en enfance. C'est grâce à son écriture précise et simple à la fois, à son sens du rythme et des personnages, qu'il parvient ainsi à nous passionner du début à la fin de ce récit modeste, presque en retrait. Un livre qui ne revendique aucun génie, mais qui vous prend gentiment dans ses bras, et vous laisse tout ému en fin de compte.