A Sun (陽光普照) de Chung Mong-hong - 2019
Premier accessit pour ce film taïwanais intéressant et sensible, qui n'a pour seul tort que de vouloir faire entrer 10 films en un seul. A Sun, de ce fait, n'est intéressant que pour un seul de ses axes, donc dans sa dernière heure, les 90 premières minutes (on devrait expliquer aux Chinois qu'ils ne sont pas obligés de faire des films aussi longs) étant beaucoup trop confuses pour vraiment toucher. Tant pis : on se contentera de la finesse des sentiments ici déployés, et de constater qu'avec tout ce matériau, Chung pourrait faire maints autres films tout aussi intéressants. La trame principale, donc, celle qui attrape le plus : un jeune garçon embringué dans un règlement de comptes qui a mal tourné, se voit enfermé en foyer de mineur. A sa sortie, son père ne veut plus lui parler, sa femme a eu un gosse, et son ancien complice rôde dangereusement autour de sa nouvelle vie honnête pour lui demander des comptes. Il y a dans ce portrait d'un jeune gars frappé par l'échec, qui tente de s'en sortir, mais qui est rattrapé par le malheur, quelque chose de réellement touchant, et ça ne tient pas seulement à la belle interprétation de l'acteur principal. Chung déploie autour de lui une mise en scène attentive, faite de petites scènes a priori banales mais qui en disent long (sur ses rapports avec son père notamment). Quand la tension monte brusquement, dans les scènes où son ancien complice l'entraîne dans des actes pas super nets, il sait, grâce à ce rythme très lent acquis dans les autres séquences, nous mener doucement vers le climax, faire durer les choses pour qu'elles deviennent denses et tendues. Dans une esthétique très spectaculaire (la marque Wong Kar-Waï, comme toujours), le film déploie de bien beaux cadrages, sachant toujours mettre en valeur le petit détail qu'il faut pour épaissir un personnage, rendre tragique une situation, densifier un sentiment. Du coup, le triste destin de ce garçon ordinaire pris dans les aléas de cette chienne de vie devient émouvant sans qu'on l'ait vu venir, et le film réussit également un beau portrait du père de famille, homme dépassé par la somme de déceptions qui le gagne, rendu amer et mutique sous les coups du destin, mais qui se révèle dans l'ultime scène, ravageuse. Il amène d'autre part les rares touches d'humour du film, pas super fin mais permettant des respirations au milieu du drame.
Comme je disais, c'est dommage que Chung veuille raconter mille autre trames que celle-ci, qui suffisait bien pour (mélo)dramatiser son film. Il est donc question, dans la première heure surtout (le gars délaissant peu à peu ses pistes d'histoires, assez maladroitement) d'un frère suicidaire, d'une fiancée enceinte, d'un conflit avec les co-détenus, d'une histoire d'amour entre deux étudiants, d'un père qui réclame un dédommagement pour l'agression de son fils, d'une amitié naissante entre deux femmes, bref de plein d'autres trucs qui, loin de densifier la trame principale ou de l'éclairer, perdent le film dans trop de méandres. D'autant que la plupart de ces histoires manquent cruellement d'intérêt, surtout celle du frère, qui paraît venir là comme un cheveu sur la soupe (aux nouilles, bien sûr). Voilà qui empêche A Sun de rentrer dans la catégorie des grands films taiseux que les Asiatiques adorent réaliser. Malgré tout, un indéniable savoir-faire de metteur en scène.