Invisible Man (The Invisible Man) de Leigh Whannell - 2020
Ca y est, c'est officiel, le système a déjà avalé les élans féministes récents, #MeToo est devenu une marque, et on peut tranquillement passer à autre chose. Premier film à utiliser la chose et à la transformer en espèces sonnantes, The Invisible Man, est une véritable putasserie concourant immédiatement pour le film le plus roublard de l'année. Whannell régurgite toute l'histoire filmée de ce joli personnage (l'homme invisible, donc), tout ce qu'il a pu trouver de sympa dans les films de James Whale, John Carpenter et autres Verhoeven, et retravaille tout ça à l'ère de l'affaire Wenstein. Soit donc une jeune femme victime du Pervers Narcissique Ultime, un type qui la bat, la séquestre, l'humilie et la frustre, qui parvient à s'échapper de ses griffes. Réfugiée chez des amis, elle est pourtant persuadée que son tortionnaire la poursuit toujours sous forme de présence invisible : le gars était en effet un spécialiste de l'optique, possédant dans sa cave un matériel digne des plus belles chambres secrètes de James Bond, et a dû trouver le secret de l'invisibilité. Une fois la chose plantée, et une fois les tenants d'un "féminisme pour les nuls" comblés, le film laisse alors apparaître sa vacuité : comment la belle échappera-t-elle au harcèlement du gars, y parviendra-t-elle seulement (ça ne laisse aucun doute dès le départ), et quel sera le nouvel effet trouvé par Whannell pour nous en mettre plein les mirettes (que des trucs piqués aux autres films du passé) ?
On aurait pu espérer que le film, à défaut de vraiment réfléchir sur le harcèlement moral, sur la domination masculine (prétextes faciles utilisés ici sans vergogne), nous propose au moins quelques occasions de nous interroger. Par exemple, en ne nous montrant pas dès le départ que Cecilia Kass a raison, qu'il existe bel et bien un homme invisible, qu'elle n'est pas victime d'une folie de persécution ; ou bien en ne transformant pas cette lutte en guerre bourrine pour survivre, accumulant les effets moisis et les séquences déjà vues. Ou ne serait-ce qu'en nous surprenant vraiment dans cette version 2.0 du mythe, en en faisant quelque chose d'à la fois repoussant et fascinant, inquiétant et tentant, bref en travaillant réellement le thème (comme ont pu le faire, c'est vrai avec un succès relatif, Trividic et Bernard récemment). Mais Whannell ne mange pas de ce pain-là, veut remplir le portefeuille de la firme et le sien, et nous livre donc un machin ni fait ni à faire, con comme un panier percé, où tout, systématiquement tout, s'effondre sous l'indigence : des acteurs nuls qui cabotinent comme dans une série des années 90, un suspense pêté qui ne surprend jamais, un scénario cousu de fil blanc, crédible comme une attestation de sortie en temps de coronavirus, un catalogue d'invraisemblances et de scènes minables (dont on sent à chaque fois comment elles auraient pu être pas mal avec un autre réalisateur). En tout cas, de réflexion sur le machisme, point, juste une façon de récupérer un thème à la mode pour le transformer en spectacle crétin. The Invisible Man pue du cul, ce qui permet au moins de le repérer.