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23 mars 2020

Après la Réconciliation d'Anne-Marie Miéville - 2000

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On attache sa ceinture avant d'envoyer ce film : un essai sur la parole avec Miéville et Godard, on se dit qu'on se prépare pas forcément à la fête du slip. C'est pourquoi on se retrouve tout brelot au bout du compte : voilà un film modeste, petit, et très attachant, pas si compliqué que ce qu'il promet sur le papier, et finalement très réussi. Comme chez Godard, on ne comprend qu'une partie des intentions du film, on est souvent enseveli sous les citations savantes, on est parfois énervé par le ton très bourgeois et érudit de la chose ; mais malgré tout, il se dégage de Après la Réconciliation suffisamment de bonnes surprises pour que ces réserves se fassent oublier.

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La parole, donc, qui s'échange entre les êtres, en l'occurence quatre personnages enfermés dans un appartement cossu. Il y a un couple naissant, formé de la délicieuse Claude Perron et du dépressif Jacques Spiesser ; et puis le couple en crise, Godard et Miéville donc. Il y a les tentations des unes pour les autres, les énervements, les mots de tendresse ou de tristesse, les insultes, les jeux de mots, les incompréhensions, les impossibilités de communiquer, les chausse-trappes du langage. Tout ça prend des allures de jeu sophistiqué pour la caméra de Miéville, qui filme cet échange un peu abstrait de parole comme un théâtre de boulevard érudit, rempli comme le théâtre de boulevard de coups d'éclat, de gags faciles et de morale. Le texte, qu'on croirait écrit pour le théâtre, est un délicat écheveau de duos et de quatuors, parfois très léger (les personnages qui se fendent la poire en s'échangeant des insultes de capitaine Haddock), parfois graves (le couple qui périclite dans une chambre, les plaintes, les bilans). En tout cas il est toujours très littéraire : on soupçonne souvent Miéville d'avoir fait une compilation de citations grand crin de livres qu'elle aime, et de les avoir mises bout à bout dans un ensemble plus ou moins cohérent, ce que Godard a dû applaudir comme un fou. Parfois c'est fulgurant, quand au détour d'un monologue ou d'un dialogue sans façon jaillit un joyau, une phrase profonde ou émouvante, ou au contraire une tirade drolatique et absurde ; souvent c'est vrai que c'est un peu trop systématique pour toucher, ça sent un peu trop l'entre-soi. Mais les quatre acteurs sont tellement bien qu'on oublie les postures un peu vaines de Miéville en tant que scénariste.

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Si Perron a l'air de s'amuser comme une folle avec le texte et balance son charme taquin sans jamais se laisser impressionner devant le maître Godard, Spiesser est fendard en "pièce rapportée" de cette histoire de mari-femme-maîtresse (la scène où il réclame poliment pinard et victuailles alors que tout le monde parle pouvoir de la parole est très drôle). Miéville a un beau regard tragique, un naturel impeccable, et notre Jean-Luc se coule avec une bonne volonté qui étonne dans les contraintes imposées par son aimée : parfois clownesque, parfois grave, parfois pitoyable (quand il pleure !), parfois pris à son propre piège d'érudition (la séquence où il tente de lire son journal devant les pitreries de Perron), il apparaît comme un petit garçon obéissant complètement disponible pour le film. Voilà qui tranche avec son image de vieux grincheux incontrôlable, et qui ajoute une couche de douceur à ce film déjà très délicat : on y assiste finalement à la relation entre Miéville et Godard autant qu'à celle entre les personnages fictifs. Godad s'y montre en élève appliqué, même si sa marque imprime la mise en scène du film, surtout dans son introduction : une longue séquence vidéo avec des enfants, un peu absconse dans ses intentions, mais très jolie dans sa réalisation, dans laquelle on reconait le goût de JLG pour le montage cut et pour les portraits de gosses. Les scènes suivantes se déroulent dans une belle fluidité, et on referme ce petit film avec la tendresse et l'intérêt requis. Pas mal du tout.

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