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Shangols
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14 mars 2020

LIVRE : Ma Reine de Jean-Baptiste Andrea - 2017

9782072750663,0-5492251En ces temps de confinement obligatoire (Shangols, Témoin de son Temps), il est bon de sortir prendre l'air justement. Lecture nonchalante donc de ce joli premier roman, qui se déroule au sein de l'air pur de nos montagnes pyréneennes. Un récit d'apprentissage et de passage à l'âge adulte qui prend des allures de conte contemporain, voilà ce que nous propose Andrea, avec ce héros adolescent qui découvre la vraie vie, l'amour et les difficultés de grandir au sein de cette chienne de vie. Le petit Poucet est donc ici Shell, un jeune gars qu'on soupçonne d'être légèrement simplet, isolé de tout et de tous dans la station service familiale où son épanouissement intellectuel consiste à faire le plein aux rares clients qui viennent s'égarer là. Mal aimé, trop seul, avide d'aventures, il part un beau matin pour aller "à la guerre", et s'arrêtera à quelques kilomètres du domicile familial, dans une montagne ma foi fort joliment décrite par la plume attentive et alerte d'Andrea, jamais meilleur que quand il décrit sans en faire trop un paysage, une atmosphère, un lieu géographique trop grand pour son petit Shell. Là, notre héros rencontre Viviane (comme la fée), fillette qui lui met aussitôt le grain dessus, s'impose comme sa reine et mine de rien le nourrit et le cache pendant des semaines. L'apprentissage de l'amour passe par de très belles pages où Shell découvre le bonheur de se livrer à l'autre, sans arrière-pensée (le petit gars en est complètement dépourvu), dans la simple joie de la découverte d'un univers. Ce sera par exemple l'exploration d'une grotte préhistorique secrète, lieu mystérieux et effrayant, symbolique d'une mutation de Shell d'adolescent en homme, jolies pages entre naïveté enfantine et fulgurances physiques et sexuelles. Il y aura aussi un berger solitaire et muet, dans le rôle de l'ogre (mais un ogre qui s'avèrera bienveillant), et quelques flics dans le rôle de la redescente vers la réalité.

La "différence" de Shell fait toute la nuance entre ce livre et ceux habituels sur le même sujet. Tout est vu à travers son regard, d'où une écriture simpliste en surface, mais très travaillée en profondeur. Point d'acrobaties dans tous les sens ou de pose de la part d'Andrea pour autant : son livre est très sincère, tourné à 100% vers l'enfance, et tentant d'en retranscrire précisément les émois, les petites variations, l'humour. Pari gagné en grande partie, même si, à force, on se lasse un peu de cet être candide qu'il prend pour héros : tout le dernier tiers est moins beau, un peu "poétique à la Jean Becker", avec ce berger taciturne, ce chien malin et ces scènes édifiantes de legs de couteau ou de cuites. Mais avant ça, l'auteur a touché de très près la durable douleur et la joie totale d'aimer pour la première fois, sentiment tellement difficile à rendre en littérature (ou au cinéma). Rien que pour ça, il faut saluer ce roman et son écriture lumineuse, et le conseiller aux ados (il a un aspect "livre pour jeune public" qui, personnellement, m'éloigne de la chose). Sympathique.

Commentaires
M
Quand vous écrivez "poétique à la Jacques Becker" sans que ça n'ait l'air du tout d'être un compliment (et même plutôt le contraire), vous pensiez "Jean Becker", je présume?<br /> <br /> <br /> <br /> Parce que, le grand Jacques Becker -papa du petit Jean, à mon humble avis, pour la poésie et pour le cinéma, il n'y a guère qu'un Jean Renoir et un Max Ophuls, pour le coiffer (et de très peu). <br /> <br /> <br /> <br /> (Tous avec filiation, en passant... )
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