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5 mars 2020

Le nouveau Monde (Nybyggarna) (1972) de Jan Troell

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Voilà ce qu'on est en droit d'appeler une bien belle fresque américano-suédoise : pas moins de 6h30 (avec le précédent volet) des aventures de Max et Liv ; ce second volet, comme son titre l'indique, est consacré à l'exploitation de la terre américaine. Max continue de cultiver des patates et de faire des gamins à tour de bras, asséchant plus la pauvre Liv que la terre. Max, parti de rien, fait malgré tout son beurre, construisant des granges, défrichant, s'achetant un bœuf puis tuant un bœuf pour sauver l’un de ses gosses, cultive, s'agrandit, prospère. Attention, quand je dis "prospère", il ne faut pas s'attendre à des scènes de liesse et des sauts en l'air : Max et Liv ont le triomphe serein, calme, rentré. Parfois en effet, on peut les surprendre à sourire mais Liv a tellement peu l'habitude de la chose qu'une partie de sa bouche vrille en grimace. On ne sait jamais ce qui peut arriver, la main du seigneur pouvant tout reprendre à tout moment... Même si on suit en temps réel l'abattage d'une arbre, sa découpe, chaque plantage de clou pour construire un abri (j'exagère à peine), il s'en passe des choses dans ce territoire isolé du Minnesota en cette seconde partie du XIXème siècle : des voisins qui s'installent, des chrétiens qui cassent les burnes avec leur sectarisme, des Indiens affamés de plus en plus menaçants (je ne connaissais pas la pendaison de foetus, me voilà aguerri dans le domaine), la menace de la guerre (Max s'engage le cœur vaillant et se fait réformer la jambe pendante (il boîte, bienheureusement, le bougre) et puis encore et toujours cet amour de Max pour Liv (qui s'occupe bougrement à coudre, à tisser, à planter des fleurs, à pondre...) et cet amour de Liv pour Max - seulement voilà, le jour arrive où le docteur est formel : encore un gosse et Liv y passe ; c'est désormais lit séparé, le drame... mais l'amour sera plus fort - enfin pas plus que la mort.

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On est bien dans la fresque avec de multiples rebondissements mais toujours avec un filmage posé, des cadres nets et très peu de dialogues. L'exemple type est le flash-back sur les aventures du little brother qui est parti avec son gros pote faire fortune (la ruée vers l’or…) en Californie : son histoire est retracée sans pratiquement une parole ; on découvre à quel point il s'en est vu (petits boulots merdiques, crapahutages infinis, dangers multiples (de la fièvre jaune aux rivières empoisonnées...)) pour tenter de gagner sa "fortune" (je n'en dis pas plus). Troell sur une bande sonore a minima retrace ce périple digne des plus grands aventuriers, des plus grands pionniers ou des plus grands losers. La vie est un rêve (américain), aussi inconstant - dit-il pour parodier Pascal (parce qu'il a des lettres). Bref, s'il y a des petits plaisirs (la première pomme du jardin) il y a aussi des silences qui en disent long (tout juste goûté : mort assurée) : Max et Liv auront finalement eu peu de temps pour profiter de ce paradis construit par leur main... Ils auront au moins eu le plaisir de l'inventer ensemble et ce malgré le mal du pays de Liv, malgré ses peurs du seigneur, malgré ses douleurs dus aux enfantements à répétition, malgré... Troell filme la nature sous toutes ses coutures, à toutes les saisons mais filme tout aussi bien les individus (qui passent rapidement du printemps à l'hiver de leur vie : soulignons au passage le maquillage au top) qui, pour un temps, tentent de la dompter. Max est fantastique même si chaque sillon qu'il creuse finit par se voir sur son visage, Liv est formidable même si chaque sourire qu'elle tente semble lui enlever dix ans de sa vie. Une fresque ambitieuse, magnifiquement mise en scène et montée et réalisée une bien belle année - et des versions Criterion à se damner. Bref du beau boulot.

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