20.000 lieues sous les mers (20,000 Leagues Under the Sea) (1954) de Richard Fleischer
On referme pour un temps la trilogie hommage à Kirk Douglas avec cet autre film de Fleischer (dont il me reste à voir deux-trois perles, après, il y a quand même en fin de carrière un gros paquet de bouses) ; on serre des fesses dès le départ en réalisant qu'il s'agit d'une production Walt Disney (oops) : on a tort car, outre la production nickel de la chose (des Bahamas aux effets spéciaux, le produit est merveilleusement soigné), l'adaptation du bouquin de Jules Verne reste particulièrement sombre. En faisant le (bon) choix de mettre James Mason à la commande de la Calypso, le capitaine Nemo en paraît d'autant plus fermé, secret, noir. Pas vraiment d’ailleurs de concession dans l'ensemble pour donner à l'histoire un côté "magique et amusant" : le capitaine Némo est un misanthrope qui jusqu'au bout (malgré un petit sursaut) crachera sur le reste de l'humanité. Il a certes ses raisons personnelles (le sort tragique de sa femme et de son gosse), ses raisons morales par rapport au gouvernement (l'esclavage, la course à la poudre pour tuer son prochain) mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'il n'y va pas par quatre chemins pour imposer ses vues : la destruction pure et dure de ses ennemis (le reste de l’humanité) lui semble la seule option possible... Heureusement, pour donner tout de même un grain de gaieté dans ce sous-marin très anxiogène, il y a le harponneur Kirk, troubadour à ses heures, qui tente envers et contre tout d'insuffler un peu d'optimisme à cette aventure (en gardant notamment l'espoir de s'en sortir ; il en sera pourtant pour ses frais à sa première tentative d'évasion en tombant sur des cannibales - Verne devait décidément traverser une sale période de doute envers ses contemporains...). Il a pour le supporter deux compagnons de route : l'un neurasthénique au possible (mais volontaire, tout de même) - Peter Lorre en personne et son accent trainant inimitable -, l'autre joyeux comme un luron - une otarie absolument géniale dans chaque scène avec notamment son rire gras. Bien.
Un produit donc joliment calibré, sombre, avec quelques jolies explosions (atomiques - on appréciera le clin d'oeil), quelques scènes d'action bien menées (l'attaque en pirogue des cannibales ou encore cette pieuvre géante et ses jolis tentacules en plastique délicieusement animés) et un happy end inespéré... Mais comment se fait-il malgré tout qu'on s'ennuie ? Désolé, je l'avoue, de devoir casser un peu l'ambiance, mais une fois qu'on a apprécié le soin apporté aux décors, l'interprétation de notre trio d'acteurs et l'aspect éminemment taciturne de la chose, on a l'impression d'avoir fait le tour de la chose… Beaucoup trop sans doute de discussions, de tergiversations et des rebondissements finalement relativement rares. On regarde yeux grands-ouverts ce royaume sous-marin de l'ombre, on apprécie les jolies couleurs, les transparences bleues, la minutie apportée aux costumes, aux accessoires mais on reste un peu extérieur à ce spectacle... Est-on trop vieux pour marcher dans l'aventure verno-disnesque ? L’univers est-il trop polissé malgré les efforts louables de choisir un héros foncièrement « maléfique » (Disney et le manichéisme, ceci dit, ce n’est pas franchement nouveau) ? Le fait est que tout en reconnaissant des qualités à la chose ces deux heures paraissent en durer 20.000. Belle œuvre mais avec un vrai petit manque de saveur...