Refroidis (Kraftidioten) d'Hans Petter Moland - 2014
Avec de l'humour tout passe, y compris les thèmes les plus douteux. Il en a fallu à Moland pour nous faire avaler cette histoire de vengeance digne des grands Charles Bronson de notre enfance : un jeune type est retrouvé mort d'overdose. Son père, brave conducteur de chasse-neige sans histoire, est convaincu qu'il a été assassiné. Il remonte donc la piste de plus en plus dangereuse des commanditaires de la mort de son gosse, assassinant un par un la distribution complète du film, et déclenchant même une guerre des clans sanglante. "Par ordre de disparition" est le titre anglais de Refroidis, et on comprend rapidement le principe : à chaque mort, et il seront nombreux, un écran noir nous montre façon pierre tombale le nom de la victime, et ce processus s'accélère de plus en plus au fur et à mesure du film, si bien qu'il n'est presque plus la peine, au bout d'une dizaine de macchabées, de nous montrer les modalités de son assassinat : c'est d'ailleurs quand il pratique l'ellipse que Moland est le plus drôle, surtout qu'il alterne ce principe avec des scènes beaucoup plus gore (la dernière mort est la plus marrante et la plus brutale), dans un bien bel équilibre entre violence frontale et distance humoristique. Vous voyez où je veux en venir : oui, il y a un esprit tarantinesque là-dedans, surtout que Moland est aussi un adepte des dialogues décalés et étirés qui n'en finissent pas et qui se terminent par de sévères fusillades. Quitte parfois à en faire trop (les deux hommes de main amants, par exemple, ça n'était pas utile).
Il a trouvé dans Stellan Skarsgård l'acteur parfait pour interpréter ce mélange de petit mec sans envergure et de tueur froid. Qu'il le montre déblayer la neige (très beaux plans larges sur des paysages tout blancs, avec ces gerbes de neige qui jaillissent sur le bord de la route) ou assassiner un gusse (et il est souvent bien amateur dans cet exercice), il est excellent, avec son visage fermé et ses accès de panique quand il sent qu'il a été un peu trop loin. Le film lui oppose deux gangs : si l'un est dirigé par un mec pas très subtilement choisi (un sosie de Julien Doré qu'on sent toujours déplacé), l'autre, celui des Serbes, est impayable : une bande de farceurs bruyants et bordéliques, mené par un Bruno Ganz dictatorial et taciturne, mais qui se transforment en moins de deux en psychopathes. Le catalogue des morts, et la variété des façons de l'administrer, est assez marrante et on passe un sympathique moment sans façon devant ce film gentiment décalé. Bon, c'est un peu long, un peu creux, ça ressemble à beaucoup de films post-Tarantino, mais le jeu des acteurs, la mise en scène honnête, et le ton pince-sans-rire remportent l'adhésion. Du bon divertissement.