Talking About Trees (2019) de Suhaib Gasmelbari
Quatre vieux papis soudanais décident de faire revivre le cinéma, les projections de cinéma, dans leur pays. Après avoir effectué quelques séances à droite à gauche devant une poignée de spectateurs (Les Temps modernes, projeté à l'aide d'un ordi et d'un bon vieux vidéo-projecteur des familles), ils décident de s'attaquer à un des anciens hauts-lieux du cinoche : un temple du cinéma en plein air avec écran géant ; le film qu'il projette de montrer, Django unchained, devrait permettre à un maximum de spectateurs en demande d'étancher leur soif d'action et de nouveauté. Nos quatre vieux gars décident de s'attaquer à ce projet titanesque, en remettant un coup de neuf au lieu (et c'est pas toujours évident, même de monter sur un escabeau, quand on n'est plus dans sa prime jeunesse) mais surtout en s'attaquant aux demandes d'autorisation au pouvoir en place (une dictature de chez dictature, vous n'apprenez rien). Ce qui est avant tout sympa c'est qu'outre le fait de découvrir qu'il existait bien un cinéma soudanais avant les multiples coups d'état (ce qui nous ramène aux années 70-80), c'est de voir la bonne humeur communicative de nos papis, toujours motivés pour se mettre à l'œuvre. Ils savent, dès le départ, qu'une fois réglés les problèmes matériels (divers et multiples), il faudra faire face à tout ce ramassis politico-administratif de censeurs. Nos amis, qui ne sont pas les derniers à déconner à la moindre occasion (pas facile, de nos jours, de projeter un film entre six mosquées équipées de haut-parleurs... surtout que d'ici que le projet démarre, deux mosquées pourraient bien avoir vu le jour eheh - ça fuse, la bonne vieille blague religieuse), espèrent un soupçon de clémence des autorités face à cet acte totalement "gratuit" : une salle ouverte à tous et un film qui ne se propose en rien (enfin... les censeurs ne sont pas censés non plus voir le mal partout...) d'attaquer directement le pouvoir en place (de façon plus sous-jacente ? Forcément, toute œuvre culturelle est une œuvre permettant d'ouvrir la conscience - Voltaire, ou quiconque). Quand le pouvoir reconnaît que l'interdiction des projections est une volonté purement politique, nos quatre papis serrent des fesses et voient bien que ce challenge est voué à l'échec... Mais l'essentiel est surement ailleurs, nos quatre hommes prouvant, après toutes ces années terribles, qu'il existe encore en eux une foi éternelle, une foi en une possibilité de changement, d'évolution, d'ouverture d'esprit. Le combat ne fait sans doute que commencer mais ce préambule, porté par quatre vieux de la vieille gavés de 7up toujours prêts à la poilade , caustiques à souhait, est sans doute la plus belle promesse d'avenir (cinématographique) depuis longtemps dans ce pays oublié des cieux et des dieux de la culture. Un doc utile et enjoué, une belle première pierre pour entretenir l'espoir.