Feux d'Artifice sur la Mer (Umi no hanabi) (1951) de Keisuke Kinoshita
Voilà un film de Kinoshita qui, à l'image du titre, part franchement un peu dans tous les sens, multipliant à foison les personnages pour livrer un final en forme de bouquet ; c'est en partie bien mené même si à trop vouloir embrasser de caractère certains sont mal étreints. Difficile, morbleu, de résumer l'histoire : disons, pour l'essentiel, qu'il est question d'une association qui tente de survivre avec deux bateaux de pêche... Problème, l'argent ne rentre pas ; on vire alors les capitaines pour mettre à leur place deux frères intègres mais là encore, malgré des pêches conséquentes, il est difficile (la chute du cours du poisson...) de rentrer dans ses frais. S'en suit pour les responsables de l'association de plus en plus dans le rouge moult problèmes divers : des associés qui veulent vendre à n'importe quel prix, un manque d'argent qui risque de précipiter le mariage de la plus jeune fille du responsable de l’assoc’ pour avoir des capitaux (...), des malfrats qui tentent d'investir les locaux de l'association... Bref, c'est la pagaille... Parallèlement, il est question d'une dizaine d'histoires d'amour (j'exagère à peine) qui nécessiteraient presque la prise de note pour ne pas s'y perdre... Il est surtout question des deux filles du président de l'assoc’ (le toujours excellentissime et ozuesque Chishû Ryû) qui font chavirer les cœurs : Mie et Miwa (Michiyo Kogure) ont des prétendants à la pelle qui eux-mêmes ont des prétendantes. J'ai dit que je me refuserai de rentrer dans les détails mais le moins qu’on puisse dire c’est que cela provoquera diverses jalousies (parmi les donzelles) et bastons (parmi les mâles). La situation de l'assoc’ (comme les relations humaines) s'avèrent de plus en plus inextricables et la dernière demi-heure tentera de régler sur un rythme de dingue ces multiples crises. Malaises, meurtres et mariages au programme.
Kinoshita nous emmène dans une balade en bateau pour le moins mouvementée. En cette période d'après-guerre, les espoirs sont là (promesse de réussite, de mariages non arrangés) mais la réalité est tout aussi présente (banqueroute en chaîne et concessions à la con : si on veut survivre, il vaut mieux parfois trouver un bon parti que de suivre ses bas instincts amoureux...). Chishû Ryû frôlera plusieurs fois la crise de nerfs, tentant de régler à la fois son business qui part à la baille et ses filles sources de convoitises. Pendant que les hommes hurlent ou en viennent aux mains, les femmes, de leur côté, tentent de régler leur affaires en sous-main. Il y a celles, sures du pouvoir de leur thune, qui avancent la tête haute, celles, un peu naïves et dans l'expectative (les deux sœurs) qui laissent les prétendants venir à elle sans avoir la possibilité de se prononcer sur la suite des choses ou encore celles, de la pute sans espoir à la mère possessive, qui attendent un miracle pour que leurs vœux soient exaucés. Si on assiste à quelques balades en amoureux relativement apaisantes, l'essentiel du récit, en particulier la fin, fusent dans tous les sens (bagarres, discussions houleuses, coup de Trafalgar) avec des femmes qui tentent le plus souvent de prendre leur destin en main... C'est à la fois relativement enivrant (Kinoshita passe d'un train, d'une maison, d'un bateau, d'un personnage à l'autre, à un rythme d'enfer) et un peu étourdissant (on se dit qu'il a eu les yeux plus gros que le ventre et le cinéaste peine à clore toutes les pistes qu'il avait ouvertes en deux heures). On se régale, comme toujours, du jeu des acteurs (on connaît toute la bande (de Takeshi Sakamoto à Keiji Sada), on admire ce sens du montage et cette mise en scène échevelée (il n'est pas si courant de voir autant d'affrontements (verbaux et physiques) chez Kinoshita) mais on doit reconnaître aussi, dans cet éparpillement, une petite tendance à ne plus trop savoir parfois où donner de la tête... Un feu d'artifice narratif avec quelques fusées qui se perdent un peu en route. Un spectacle qui demeure malgré tout de haute volée.