La Bataille des dix Millions (1971) de Chris Marker & Valérie Mayoux

Un documentaire de Marker qui nous avait jusque-là échappé, diantre ! Nous voici donc au pays du roi Fidel, du communiquant Fidel : pour que Cuba puisse faire face à ses dettes, puisse assurer son développement économique, un objectif fut fixé par le maître. Atteindre une production de dix millions de tonnes de canne à sucre. C'est un challenge, qui ne sera pas relevé... La faute au temps, au manque de main d'œuvre, aux moyens mécaniques, à la CIA ?... Non l'essentiel n'est point là. L'essentiel se situe bien dans le discours de Castro pour évoquer, en toute « transparence », au nez et à la barbe des attaques de "Messieurs les Impérialistes", devant son peuple, cet échec (seulement 8,5 millions de tonnes seront en effet produites). Le Fidel, emporté par la foudre de ses convictions, emporté par sa verve, se livre (cela est si rare de la part d'un politique) à une véritable auto-critique : le type est bien sûr malin et sait trouver les mots pour convaincre son peuple ; ce n'est pas un mea culpa mou pour dire qu'il va falloir le virer... Non, el Castro tente de profiter en quelque sorte de ce revers, de cette confession, pour galvaniser la foule et dire que, ok, la voie du socialisme est loin d'être simple, est loin d'être facile, mais que ce n'est pas une raison pour donner raison aux pays impérialistes toujours prêts à enfoncer la politique menée à Cuba. Ce discours du 26 juillet 1970 (traduit en off) est un exemple d'énergie dingue du bonhomme qui, même après une défaite, veut continuer à croire à la victoire, veut continuer à garder la pleine confiance de son peuple. Une bataille perdue qui prend des allures de victoire grâce aux accents sincères et convaincus de l'homme : un modèle de tribun et de fougue - à défaut, disons, d'un modèle politique. Un Marker didactique et brut pour que chacun puisse en son âme et conscience se faire une idée de la foi castriste.

Tout Marker et rien à jeter