La Déchirure (The Killing Fields) (1984) de Roland Joffé
Est-il vraiment raisonnable de ressortir ces vieilles gloires des années 80, les Stone, Parker, Joffé, (...), ceux qui eurent alors leur petit moment de gloire - dans un moment d'égarement cinématographique international ? (Un certain goût, dirions-nous, pour le clinquant-dramatico-épico-lyrique ?). Alors bon, ne renions malgré tout pas tout pour le plaisir : d'abord parce qu'il y a la musique de Mike Oldfield (absolument pas couleur locale, pour le coup, mais merde, on ne peut pas décemment chier sur son idole de jeunesse), ensuite parce que Joffé fait des efforts, alors, pour nous parler d'un problème politique récent majeur (eye opening ? ok, j'étais ado, en quatrième, et j'ai découvert le film chez un réfugié cambodgien - ça marque, c'était pas au programme d'histoire...) sans chercher à lésiner sur les moyens (dans la boue des rizières et les ossuaires des champs de la mort jusqu'au cou) : on est dans le ticket Puttnam-Joffé-Menges, on ne fait pas dans le cheap monsieur. Bref, on sent un vrai sérieux dans la production et dans la volonté de soigner son écrin. Voilà. Après, l'ensemble de ma réserve, qui, on va le voir, pèse quand même son pesant de cacahuètes, repose dans le côté dramatiquissime du scénar, dans cette volonté d'en faire des caisses alors que le sujet (a fucking true story) était déjà suffisamment porteur d’émotions en soi : un Sam Waterston avec un tel air de chien battu qu'on aurait envie de lui acheter un collier, une musique venant toujours sursaturer les moments de crise (cela m'aurait moins gêné de taper sur un Moroder ou un Vangélis mais bon...) - ça passe encore lors d'une évacuation faite dans la précipitation, moins lorsqu'un type marche sur une mine -, ou encore un Dith Pran qui semble vouloir accumuler toutes les conneries imaginables en tant que prisonnier pour qu'on tremble à chaque seconde pour lui (tout est putain de dramatisé dès qu'il fait un truc : qu'il aille sucer le sang d'un zébu ou qu'il plante des tomates, on sent que le gars s'expose constamment au risque... quand il décide de s'échapper, c'est pire que tout, entre les khmers qui sillonnent la forêt et ces mines diablement cachées, on s'attend à ce que le Pran crame à chaque pas - c'est franchement fastidieux et épuisant d’être constamment en tension), bref un sens de la dramatisation à mort (littéralement pour le coup) qui devient éreintant. Et le pire, le pire, nom de dieu, c'est que ça marche : comment tu veux ne peux lâcher ta larme de crocodile quand Waterston (sa queue bouge) et Pran (le visage plus buriné qu'une forge : il a traversé les sept cercles de l'enfer une douzaine de fois) se retrouvent à la fin sur cet air à la con d'Imagine - bien sûr que Joffé te cueille par terre comme une tomate trop mûre, c'était joué d'avance, tout tendait vers cet instant. Mais, n'est-ce pas un peu facile, Roland ? Hein ? Le type, profitant de la faille, raflera la palme d'or deux ans plus tard avant de s'écraser comme un malpropre par la suite, son cinéma "d'illusions tristes" ne faisant plus recette (Faudrait me payer une fortune pour me forcer à revoir La Cité de la Joie - je préfèrerais encore me taper Mère Térésa pour le coup ; oui, dans son état actuel). Bref, le Cambodge pour faire pleurer dans les chaumières. Pathétiquement réussi.