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30 octobre 2019

Prête à Tout (To Die For) de Gus van Sant - 1995

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Nicole Kidman au naturel, Joaquim Phoenix sobre, Matt Dillon beau : on replonge en enfance avec ce petit film croquignolet, archétype d'une certaine façon de faire du cinéma à une époque. Oui, parce que plus personne ne fait des films comme ça aujourd'hui : trop patient, trop petit, trop pro, trop à l'ancienne. Gus van Sant s'essaye au film commercial et arrive à un résultat tout à fait satisfaisant : on ressort rassasié de la chose, même si on oublie assez vite le film ensuite. Bon, Suzanne (Kidman) est une péquenaude qui rêve de gloire, avant Snapchat et la télé-réalité. Son but : passer à la télé, que ce soit à la météo ou en vedette du fait divers, et elle va tout faire pour l'exaucer. D'abord naïve, elle va peu à peu faire pousser ses dents de devant et à force d'user de la patience des patrons de chaînes locales, parvenir à son but. Mais vous savez ce que c'est, on en veut toujours plus : cette histoire gentillette de campus va lentement se transformer en sordide histoire criminelle, et la belle ira loin, très loin, dans la manipulation mentale et sexuelle, dans le mensonge et dans l'impitoyable pour parvenir à ses fins. Dérives de la célébrité à tout prix, danger du tout-public, mais aussi portrait d'une jeune fille qui fait "avec ce qu'elle a" pour s'épanouir, le film pratique une délicieuse ambiguïté : certes, le personnage de Suzanne est parfaitement odieux, une vraie salope en bonne et due forme, qui ne recule devant rien pour avoir son quart d'heure de célébrité warholien ; mais le monde qui l'entoure, hyper masculin et baveux devant ses formes, est si pitoyable qu'on reconnaît à la belle une incroyable faculté à utiliser les crétins pour monter. Double jeu, donc, pour van Sant qui semble bien s'amuser à filmer ce joyeux défilé de benêts et de salopards : Phoenix est un lycéen puceau con comme un panier, Allison Folland une crétine fascinée par la beauté de Kidman, Dillon un beauf satisfait de sa médiocrité, et tous les hommes qui entourent Suzanne des prédateurs idiots, violents et bas du front. Pas très humaniste, tout ça...

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Une telle frontalité dans le traitement du thème de la femme qui utilise son corps pour se hisser en haut serait aujourd'hui condamnée en deux minutes sur Facebook. Van Sant, lui, envoie son scénario jubilatoire avec beaucoup d'élan, pastichant les films de collège colorés pour mieux en démonter les rouages, la phallocratie qui les porte. Il joue même sur le côté érotique de son actrice, en nous la faisant contempler (et je vous jure que Kidman en culotte, à l'époque, on contemplait) puis en nous montrant combien on est bête quand on bande et combien il est facile d'utiliser notre fascination. Les acteurs sont parfaits pour illustrer son propos : Kidman est géniale dans sa composition entre naïveté et madrerie, entre enfance et maturité, et en face d'elle les autres jouent avec courage les bites sur pattes, depuis Matt Dillon en contre-emploi parfait (la beauferie incarnée) jusqu'à Phoenix en léger débile. Le film montre une sorte d'envers du décor sans être lourd (l'ouverture, qui se rapproche d'une photo de presse de Kidman de si près que ça en devient de simples points ; l'image de la belle prise sous la glace, comme une image éternellement belle et jeune), reste toujours dans le pop et la comédie. C'est juste que la comédie change de registre peu à peu, imperceptiblement, devient de plus en plus amère et caustique, et qu'on termine le film avec un rictus plus qu'avec un sourire. Arriver à un tel équilibre est la preuve d'un vrai talent d'écriture, et le fim est très joliment scénarisé, fin et délicat même s'il enfonce le clou parfois avec une puissance qui fait plaisir à voir. Bref, une jolie comédie à double tranchant, je prends.

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