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31 août 2019

Le Prisonnier d'Alcatraz (Birdman of Alcatraz) de John Frankenheimer - 1962

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Frankenheimer se lance dans la réhabilitation de prisonnier, et s'en sort avec les honneurs et la dignité de rigueur. Le Prisonnier d'Alcatraz (à ne pas confondre avec l'évadé du même nom, et pour cause) raconte la triste vie d'un homme qui a passé 53 ans en prison sans être jamais libéré, qui plus est dans l'isolement complet : aucun contact ou presque avec les autres, une cellule minuscule, rien à faire de ses journées qu'à contempler le ciel bleu à travers les barreaux et serrer les dents. Inspiré d'une histoire vraie (le gars était encore vivant au moment du film), inspiré d'un livre tout en sobriété de Thomas Gaddis (qui ouvre et ferme le film sous les traits de Edmond O'Brien), ce destin terrible nous est raconté dans la longueur dans un film humaniste et révolté, qui ne déborde pourtant jamais de son cadre. On y suit donc le quotidien de Robert Stroud, d'abord relativement rebelle et sauvage à l'administration, représentée par l'ambigu directeur de prison Harvey Shoemaker (toujours impeccable Karl Malden), puis trouvant peu à peu le calme et un but à sa vie quand il découvre un petit oiseau perdu dans la cour de la prison. Il adopte le bestiau, le nourrit, et peu à peu devient un grand spécialiste de la faune aviaire, inventant des remèdes pour eux, rivalisant d'invention pour leur apporter du bien-être, transformant sa cellule en volière remplie de canaris, et parvenant même à commercialiser produits et bouquins spécialisés depuis sa prison. Au contact de ces petites bestioles fragiles, notre homme s'assagit, devient presque tendre et apaisé, et trouve enfin une direction à sa triste existence. Mais c'est sans compter sur le néfaste Shoemaker, qui a juré de lui nuire toute sa vie...

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C'est Burt Lancaster qui se tape le rôle, et c'est tant mieux : avec lui, même la plus fade des séquences (un gars qui nourrit un oiseau, on n'est pas dans Fast & Furious) devient captivante, grâce à la sobriété impeccable de son jeu, à son intensité, à la grande intelligence qu'il met dans chaque dialogue. Le fim aurait pu être pesamment mélo, mais Lancaster déjoue toute dérive pour livrer une interprétation émouvante sans jamais verser dasn les grandes eaux. La scène d'adieux à sa femme, par exemple, est un exemple d'underplaying, simplement émouvante. Le film est très plaisant, parvenant à nous intéresser alors qu'il raconte finalement peu de choses, et se déroule dans un contexte austère (les quelques mètres carrés d'une cellule, l'ennui des journées). D'ailelurs, quand il veut doper un peu son action, en montrant par exemple une évasion de la prison, on s'ennuie ferme, et on a l'impression qu'il rajoute des séquences inutiles à un film déjà un peu long. Bon, en plus c'est vrai que Frankenheimer n'est pas le cinéaste du siècle, et que sa mise en scène est au mieux fonctionnelle, au pire maladroite : empêtré dans son intrigue radicale, il a du mal à nous faire croire à l'isolement de Stroud, au poids du temps qui passe, et échoue à nous faire ressentir l'effroyable destin d'un homme condamné à être seul. Sa cellule est trop propre, ses visites de proches trop nombreuses, il devient pote avec son voisin de cellule (un excellent Telly Savalas, qui vole presque la vedette à Burt), exige des cages à oiseaux et des privilèges immédiatement accordés, bref on perçoit mal le désarroi ; sauf dans le dernier tiers où, isolé à Alcatraz, abandonné par une mère trop rigide (Thelma Ritter, parfaite), s'étant séparé de sa femme (Betty Field, parfaite) lors de cette fameuse scène mémorable, il éprouve vraiment l'angoisse de la solitude et la tristesse de qui n'a plus rien à espérer.

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Pourtant la chose se suit avec beaucoup d'émotions, malgré cette réalisation un peu ratée. Parce qu'il y a dans ce personnage abandonné de tous une tendresse inattendue ; parce que les personnages sont tout d'ambiguité, très épais, jamais manichéens : Stroud est certes un génie de l'ornithologie, mais c'est un assassin, il est parfois brutal ; Shoemaker est parfois un monstre, mais on aime son côté hyper-bureaucratique, sa vision de son métier arriérée ; la mère de Stroud est touchante en vieille brigande, mais elle est aussi un bloc d'égoïsme ; sa femme est émouvante et dévouée, mais trop amoureuse, trop admirative ; parce que, à tous les postes, il y a le bon professionnel ; photo très belle, musique de Bernstein très jazzy, seconds rôles irréprochables ; parce que Frankenheimer réussit mine de rien quelques plans purement documentaires très beaux (la naissance d'un piaf, filmée dans la longueur) ; et parce que le fim use d'une symbolique certes appuyée mais édifiante, à base de cages dans la cage et d'impossibilité de quitter la prison une fois qu'on y a goûté. Le tout fait un film tout à fait recommandable, qui donne envie de signer des pétitions et d'élever un canari.

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