Le grand Meaulnes (1967) de Jean-Gabriel Albicocco
Reconnaissez volontiers qu'on sort parfois un peu tout et n'importe quoi de notre chapeau... Le grand Meaulnes, nom de Zeus, version d'Albicocco de 67 s'il vous plaît, avec Brigitte Fossey, ça vaut son paquet de Carambar. Il se trouve que pendant ma folle jeunesse scolaire, j'avais visité les lieux de tournage (dans une campagne plus profonde que profonde) et rien que cela, ça devrait vous faire cogiter une bonne partie de la nuit... Bien, ça sent en effet le bon air des champs et les bons vieux accents locaux. Seul petit problème qui foudroie le film presque d'entrée de jeu : Albicocco père et fils (images et réalisation) se mettent en tête de filmer "la fête extraordinaire" chez les de Galais avec un effet spécial ouaté (genre rêve éveillé, tu vois, flou artistique modianesque) absolument dégueulasse (et ce pendant 20 minutes, brrrrr). C'est assez couillon car les lieux des décors, les costumes colorés, les jeux de lumières, la musique pas trop moche, les petits figurants qui foisonnent comme des nains de jardin, tout cela pouvait donner un tableau assez fidèle au bouquin... Là c'est juste ignoble, on se croirait dans une boîte de nuit à Diou (03), toutes les couleurs se chevauchent, ce qui met d'ailleurs sérieusement en danger tout daltonien... C'est dommage car c'est un peu le "souvenir fondateur" qui devait donner le la à l’œuvre... Ensuite on enchaîne avec notre recherche du temps perdu (Meaulnes et Seurel cogitent), notre temps retrouvé (petit moment de répit avant qu'Augustin reprenne la route) et notre temps foutu (tout part en vrille, quasi). Ah comme disait cette bonne Yvonne : 'J'aimerais enseigner les (sic) petits garçons, comme votre mère. Je leur apprendrais à être sage et à ne pas avoir envie de courir le monde. Je leur montrerais comment trouver le bonheur qui est tout prêt d'eux et qui n'en a pas l'air". Mais les hommes recherchent toujours ce qu'ils n'ont pas et lorsqu'ils le trouvent, ils ne le voient plus...
Bon, c'est pas si raté sinon cette première version du roman scolaire mythique d'Alain-Fournier. On a notre lot de jeunes gens un peu naïfs, de nature bien de chez nous avec ces forêts semi-humides et ces pâturages colorés (le mauve sied bien au teint), d'écoliers un peu échevelés et sauvages ou encore de morceaux de cirque campagnard "de l'époque". Seurel est inquiet tout du long, Meaulnes ne tient pas en place, Brigitte Fossey est une poupée de son (le réalisateur décide finalement de la faire parler cinq minutes... et puis la fait mourir) et Frantz de Galais et Ganache tentent d'apporter mollement un peu de folie. Oui, bon, ça sent ici ou là un peu le téléfilm (un montage un peu abrupt entre certaines séquences, un son plus que tangent, une mélodie un peu suremployée) mais on reconnaitra aussi volontiers un certain petit charme à la chose : ces petites marches dans la cambrousse, ces non-dit en suspens, cette nostalgie qui imprègne tout le film comme si les héros restaient scotchés à jamais dans le passé (il y a là, forcément l'influence de l'ouvrage... dont je gardais d'ailleurs un souvenir à la fois très vague et par endroit très précis). Bref c'est une adaptation qui vaut mieux que cette recherche artistique totalement foirée du départ (achevons Hamilton) et qui, sans être d'un grand romanesque, reste gentiment assez fidèle au petit côté vaporeux et mélancolique du roman. Hein mon coco nostalgico ! Passable.