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14 juillet 2019

Nuages lointains (Tōi kumo) (1955) de Keisuke Kinoshita

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Ah nom de Dieu de nom de Dieu mais pourquoi est-ce si difficile de vivre selon ses désirs ? Kinoshita nous met dès le départ au cœur d'une situation qui sent la poudre : Keizô (Takahiro Tamura) revient dans son village natal après plusieurs années d'absence ; il apprend d'entrée de jeu que la femme qu'il aimait Fuyuko (Hideko Takamine, on est donc plusieurs sur le rang), first s'est mariée (une sombre histoire d'argent, c'est cruel) et secondo qu'elle est veuve avec une chtite fille. On voit le paquebot venir de loin : est-il possible que ces deux-là, ces deux tourtereaux qui s'aimaient en couches, puissent à nouveau être ensemble ?... Plusieurs obstacles s'annoncent au loin : d'une part, le petit frère de l'ancien mari de Fuyuko aimerait bien se retrouver au bras de sa belle-sœur - cela reste dans la famille et comme le film (comme tout plein de films nippons de cette époque) est un éternel combat entre ancien (la tradition... donc la famille) et le moderne (le téléphone est notamment l'un des personnages central de l'histoire), on se dit que le petit côté conservateur à l'œuvre dans cette ville de province risque bien de remporter la manche ; d'autre part, la sœur de Fuyuko est amoureuse depuis poulala toute petite de Keizô ; elle se verrait bien en future épouse même si c’est un second choix (elle travaille justement comme opératrice au centre téléphonique : c'est elle la "petite nouveauté", le second souffle, l'avenir quoi) ; et puis, et puis, il est aussi beaucoup question ici de... La Porte étroite de l'ami Gide (eh ouais, le Japon s'ouvre aussi parfois)... Cela annonce-t-il la victoire de cet amour de jeunesse plus fort que tout (et la défaite de la petite sœur) ou est-ce une allusion prémonitoire au sens du sacrifice dont devra faire preuve Fuyuko, se devant de renoncer à cet amour pour éviter tout scandale ?

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Kinoshita est relativement doué pour mêler ici passé et présent : les scènes dans le cimetière (les vivants rendant hommage aux morts, vous voyez le lien), les scènes de danse traditionnelle (chez les geishas... ou pour célébrer la mémoire du défunt), les kimonos... On est bien dans cette ville reculée encore complétement à cheval entre deux époques avec, je le disais, en fil rouge, une utilisation quasi-systématique du téléphone à la moindre occase (parallèlement d'ailleurs au téléphone arabe plus tradi, la rumeur se propageant dans cette petite ville comme une traînée de poudre). Hideko Takamine, dont on sent dès le départ, dans sa tenue, dans son allure posée, son attachement au passé, à la mémoire, semble bien finalement, au-delà de toutes les petites intrigues sous-jacentes, constituer le principal obstacle à son épanouissement... Est-elle encore amoureuse de Keizô ? Of course. Peut-elle décemment quitter la famille qui désormais l'accueil ? Arfffff, la porte est étroite et on espère jusqu'au bout que la notion "moderne" du libre amour triomphera... Tout cela de toute façon est voué à se régler sur un quai de gare (je maudis les quais de gare, ça sent toujours l'arnaque au cinéma : l'image est tellement belle et évidente du train qui s'éloigne dans une fumée noire pendant que l'aimé(e) reste à quai... bref) et on croise les doigts jusqu'au bout pour que Takamine se fasse violence et laisse libre cours à ses sentiments vs le qu'en-dira-ton. Kinoshita, grâce à une pléiade de seconds rôles au taquet, parvient ici parfaitement à rendre cette ambiance tendue entre amour (la grande difficulté des amants pour préserver leur intimité : ils sont obligés souvent de partir à la cambrousse pour être loin des regards, de se donner des coups de fil en "cachette") et jugement, l’enfer des « autres » (la séquence parfaitement montée où l'on voit comment une nouvelle se propage, se déforme, comment une broutille au sein d'une petite ville devient une bombe atomique). Takamine (son petit sourire contrit quand elle annonce qu'elle a l'habitude de ne plus y croire... je flanche) est parfaite pour incarner cette femme se devant de garder la face en toute occasion mais totalement bouleversée intérieurement par ce désir de suivre cette promesse de l'aube : vivre sa vie avec celui qu'elle aime. Le final vous coupe le sifflet (de chef de gare). Drame sentimental de bien belle tenue avec des nuages éternellement qui guettent...

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