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26 juin 2019

L'Anneau de Fiançailles (Konyaku yubiwa) (1950) de Keisuke Kinoshita

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Quand un héros kurosawien (Toshiro Mifune, qui a tué la moitié des samouraïs nippons sur ces deux derniers siècles, capable de couper un buffle en deux d'une main) rencontre une héroïne mizoguchienne (Kinuyo Tanaka as Noriko - pas la plus belle mais une... certaine aura) dans un film de Kinoshita, qu'est-ce qui se passe ?... Tout - ou rien. C'est une petite merveille de passion et de frustration que cet Anneau de Fiançailles (notons au passage que le titre français est guère adapté car il est surtout question d'une bague de mariage portée par Noriko) : un docteur (Toshiro, beau comme un dieu quand il est au naturel dans ces années-là - et sa voix des tréfonds, brrrr) va voir un de ses patients en banlieue de Tokyo ; en route, dans le bus, il se vautre sur une femme élégante... Ils se suivent avant de se recroiser dans le petites rues de cette banlieue : il est perdu, demande son chemin… à Noriko qui lui indique que, ohlàlà, le hasard fait bien les choses, la maison qu’il cherche, c'est justement chez elle - forcément. Dès le départ, ils se plaisent, l'un l'autre, c'est indéniable. Seul problème à l'horizon, Noriko est marié à un type un peu légumineux (la tuberculose, ça fatigue) qui vient de rentrer de la guerre... Amour et pudeur pudeur au programme...

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Qui fera le premier pas, qui avouera l'inavouable (ils passent de plus en plus de temps ensemble, en train, en bord de mer, dans des parcs...), qui osera, qui reculera, qui osera à nouveau, qui s'aveuglera... ? Kinoshita est particulièrement doué pour faire prendre la sauce entre nos deux acteurs immortels : des petits sourires, des petits regards, des discussions complices, puis une main qui s'attarde un peu trop, puis un manteau que l'on sert contre soi quand la personne qu'on aime vient de s'en extraire, puis des silences trop lourds. Toshiro et Kinuyo se tournent autour, savent qu'ils ne devraient point, mais l'évidence est là. Toshiro crève la bulle, Kinuyo fait également un pas en avant mais à chaque fois la réflexion prend le pas sur l'émotion (non, ce n'est pas juste, on ne devrait pas, oui, c'est vrai), avant que l'émotion reprenne le pas sur la chienlit (on s'aime, bon, on va pas non plus se rendre malheureux pour un type à l'article de la mort, si ?), avant que... Pour quelques petits instants d'intimité partagé, au prix de terribles hésitations, beaucoup de remords... Dans un thriller, nos deux tourtereaux empoisonneraient le légume et le tour serait joué ; mais ici, le docteur veut tout de même remplir sa mission, la femme veut rester fidèle à son engagement (elle oublie une fois de mettre sa bague - au sommet de sa dévotion - mais elle la remet rapidement – Toshiro comprend que c’est définitivement mort) et on voit mal comment ces deux-là pourraient finalement réussir à assumer leur attirance l'un pour l'autre... Tendresse, attention et frustration se succèdent dans cette œuvre minimaliste ponctuée de jolis moment (les pleurs de la dame en noir dans les bras de l'homme en blanc, la demande de Toshiro qui arrache le coeur : je n'ai qu'un ultime souhait, madame, celui de venir pleurer sur vos genoux : pohpohpoh - Mifune, décidément le plus grand dans tous les registres, clair). On sent poindre tout du long une grande tension sentimentale entre ces deux solitudes qui assument malgré eux leur sacerdoce (son taff, son mariage). Très joli et très grand petit film d’un Kinoshita qui excelle indéniablement dans les histoires d'amour sur un fil.    

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Commentaires
R
Très jolie critique, bravo! Vous m'avez donné l'envie irrépressible de voir ce film qui manque cruellement à ma collection "Toshiro Mifune 1947-1965", mais, hélas, où le trouver? (p.s. avec des étoiles dans les yeux: c'est vrai que cet immense acteur était beau comme un dieu dans ces années-là...).
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