LIVRE : Sauvage (The Wild Inside) de Jamey Bradbury – 2019
Aaaah l’Alaska, ses espaces infinis, ses étendues neigeuses, ses chiens de traîneau, ses habitants rustiques et un rien… sanguins. The Wild Inside nous offre une petite plongée dans l’esprit de la sauvageonne Tracy : un peu bagarreuse (elle vient de se faire virer de l’école à dix-sept ans), totalement passionnée (elle rêve de participer à la plus grande course de traîneau du monde, après avoir testé l’épreuve en junior), solitaire et enfin, comment dire, un peu vampirisante… On apprend en effet, au fil de ses échappées dans la forêt, que notre chère Tracy aime à sucer le sang de ses proies prises dans ses propres pièges, partageant ainsi leur âme animale… Bon, le problème, c’est que cela ne se cantonne pas aux bêtes et qu’elle est parfois un tantinet tentée de mordre dans la chair humaine pour partager les pensées de ses congénères. Bref, très nature, la Tracy, mais un peu sauvage, définitivement.
On pense s’atteler au départ à un bon vieux récit d’aventures dans le Grand Nord américain : des aventures il y aura, du vent frais et du gibier piégé à foison tu trouveras mais c’est surtout les circonvolutions de la pensée tracienne que tu exploreras. Après avoir longuement évoqué, en dehors de ses escapades qui rythment ses journées, sa mère (qui semble lui avoir légué ses petites envies sanguines et qui a disparu tragiquement), son père (aimant mais avec lequel elle est devenue un peu distante), son petit frère (qui ne partage guère ses passions), notre héroïne va se retrouver obsédée, en un sens, par deux individus. L’un, Tom Hatch, lui est « tombé dessus » en forêt et a été retrouvé poignardé (tout indique que c’est elle la responsable de cet acte ; l’homme a pu être sauvé in extrémis de ses blessures par le père de Tracy mais comme elle lui a dérobé au passage un petit pactole (4000 boules, pas rien), elle craint qu’un jour il ne se venge) ; l’autre type, Jesse, employé par son père et qui a eu des relations « tordues » par le passé avec ce même Tom, présente quelques caractéristiques troublantes qui pourrait réveiller non point tant la sauvagerie que la libido de notre âme solitaire… Le cerveau de Tracy est en perpétuelle ébullition, constamment aux aguets et l’on craint que notre héroïne se retrouve à un moment ou un autre un peu en surchauffe… voir que ces petites randonnées dans les bois deviennent un poil mortelles.
On s’attache forcément à ce personnage marginal qui sort de toute évidence un peu des rails laissés par les traîneaux… L’écriture de Bradbury, sans être d’une ambition et d’un lyrisme délirants, parvient à malgré tout à nous attendrir, notamment lorsqu’il est question de ces chiens toujours volontaires ou encore de ces paysages glacials et glaçants qui nous font tout du long frissonner. On sent que Tracy, en proie à ses démons intérieurs qui la rongent, risque à tout moment de vriller ; si l’on regrette un peu que ses aventures sur traîneau se finissent un peu en eau de boudin, on sera jusqu’au bout sur les nerfs en attente d’un dénouement qui ne peut être que sanglant. Pas du London, hein, certes, on en est même loin, mais un premier roman blanc et rouge qui se laisse sauvagement dévorer.