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1 juin 2019

Règlement de comptes à Abilene Town (Abilene Town) de Edwin L. Marin - 1946

abilenetown2

Douce satisfaction à la découverte de ce petit western sans façon, véritable travail de professionnel consciencieux qui ne se donne pas des airs de chef-d'oeuvre astronomique mais parvient plus souvent qu'à son tour à gagner notre coeur. Tout est bon là-dedans, si on excepte la réalisation malheureusement sans caractère de Edwin L. Marin : le gars place sa caméra au plus pratique, sans chercher à faire du style ou à jouer aux originaux. On peut trouver ça class, on peut aussi trouver ça fade. C'est vrai que la mise en scène de ce scénario aurait pu être un peu plus nerveuse, un peu plus personnelle. Là, c'est juste de l'honnête boulot d'artisan un peu timoré, bon tant pis, on prend quand même. A part ce défaut, après tout partagé par énormément de westerns, on ne peut que se réjouir devant ce film attachant et touchant.

290px-Abilene_Town_1946

Randolph Scott campe avec sobriété et un peu de raideur un brave marshall de petite envergure, sensé faire régner l'ordre dans la ville d'Abilene. Malheureusement celui-ci (l'ordre) est menacé par une bande d'éleveurs brutaux, considérant que la ville leur appartient. Et c'est vrai qu'ils sont un peu querelleurs avec leur propension à user de leur six-coups au saloon ou leur manière de boeufs avec les femmes. Quand arrive un groupe de colons, décidés à s'installer sur ces terres offertes à tout le monde, le conflit couve entre éleveurs belliqueux et cultivateurs pacifistes. Il va falloir à Scott beaucoup de malice, de courage et d'abnégation pour arriver à un statu-quo entre les deux parties. D'autant qu'il n'est pas aidé par le shérif, véritable couard, et par la rivalité des deux gorettes qui se disputent ses faveurs : la brune et sage Rhonda Fleming, la délurée et légère Ann Dvorak. Le film s'organise en opposition entre deux parties : d'un côté la morale, la religion, la famille (Rhonda, et la ville tranquille), de l'autre les flingues, la violence et la gabegie (Ann, les cadavres qui s'accumulent, les cow-boys sans foi ni loi). Cette opposition se résumant à la simple question posée par les commerçants d'Abilene : qu'est-ce qui rapporte le plus ? la morale ou la violence ? les bandits qui viennent se soûler au saloon ou les cultivateurs qui viennent acheter leur barbelés et leurs missels en masse ? Des considérations toutes économiques que notre bon Randolph, partagé entre les deux camps (le flingue ou la discussion) va devoir résoudre.

Abilene_Town_1946_(4)

Superbe film sur la moralité et l'engagement, Abilene Town sait très habilement jouer sur plusieurs tableaux, plusieurs styles, et trousser quelques personnages absolument craquants. Volontiers comique quand il le faut, grâce à ses acteurs secondaires parfaits, grave quand c'est nécessaire, le film navigue entre les tons, violent et brutal quand il s'agit de faire parler les poings, délicatement humoristique voire dévirilisant pour Randolph quand il s'agit pour la belle Ann de lui envoyer son pied dans les tibias. C'est peut-être son aspect le plus réussi, sa légèreté : le personnage du shérif qui veut toujours jouer aux cartes plutôt que d'affroner le danger, celui du commerçant qui se perd dans des calculs infinis, celui de la danseuse de cabaret jalouse, et le jeu tout en auto-dérision de Scott (qui n'hésite pas à camper un personnage parfois assez minable... mais bien entendu hyper courageux, faut pas pousser) apportent beaucoup à la chose, et permettent de densifier d'autant les scènes plus sombres. Du coup, quand les braves cultivateurs tombent comme des mouches sous la charge de vaches affolées, quand notre bon Scott assomme un gars sous ses poings, quand la nuit tombe sur une horde de hors-la-loi bien décidés à mettre Abilene à sac, on frémit encore plus. Le film pose de vraies questions morales, et déjoue très souvent nos attentes : entre la sage et la délurée, laquelle croyez-vous que Scott choisira à la fin ? (même si son premier geste est de recouvrir les gambettes de l'élue d'un tablier de cuisinière... "Finie la java, maintenant tu rentres à la maison"). Tout ça finit par faire un western dynamique et crédible, dont on apprécie le rythme soutenu, les personnages attachants et le fond intéressant (moi j'y ai vu un combat entre les gros qui rapportent de l'argent (Amazon) et les petits qui en perdent (Le Haut Quartier), mais chacun y verra ce qu'il veut). Très chouette.

Go old west, here

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