Le Voyage fantastique (Fantastic Voyage) (1966) de Richard Fleischer
Un petit coup de nostalgie avec ce film "fantastique" de notre enfance qui nous permit (plus ou moins scientifiquement) de découvrir les merveilles intérieures du corps humain. L'histoire est secondaire en soi (un sous-marin avec cinq hommes d'équipage est miniaturisé pour aller réparer la lésion au cerveau d'un scientifique... spécialiste de la miniaturisation - ouais, on est en plein dans la mise en abyme), l'intérêt étant plus à trouver dans le merveilleux "habillage" de la chose. C'est Fleischer qui est aux manettes et le type est bougrement scrupuleux à tous les postes : un accident plutôt spectaculaire en ouverture, un réseau sous-terrain de scientifiques, véritable fourmilière new-age parfaitement réaliste (des figurants par poignées, des décors au cordeau, des voitures électriques à foison (plus de cinquante ans plus tard, comme la douloureuse impression que Total nous a enfumés...) et un laboratoire ultra-crédible pour procéder à ces miniaturisations en plusieurs étapes. Non, franchement, même si cela prend quarante minutes avant de pouvoir visiter les intestins de notre sujet hospitalisé, cela vaut le coup ; on n’a jamais l'impression d'être dans la série B cheap, on est résolument tout en sérieux et en professionnalisme scientifique et cinématographique.
Avant d'aller plus en avant dans l'exploration de notre réseau sanguin et dans notre analyse, présentons tout de même l'équipage : Stephen Boyd est le beau gosse en charge de la sécurité. A ses côtés, le ténébreux Arthur Kennedy et la resplendissante Raquel Welch (elle n'a vraiment qu'un rôle de bougie en costume moulant mais on apprécie l'effort de la petite touche sexy) : un docteur (un transfuge ?) et son assistante ; Boyd a pour mission de surveiller de près ce docteur caractériel - c'est un as dans son domaine mais il est possible qu'il soit à la solde de l'ennemi et qu'il fasse tout pour faire foirer la mission... Donald Pleasance incarne lui, avec une véracité indéniable, Henri Krasucki (la ressemblance est parfaite) : un docteur ricain très très nerveux. Et puis il y a aussi le pilote de l’engin... On notera tout de même également la présence, in the lab, d'Edmond O'Brien : il supervise l'opération en se gavant de sucre - sacré Edmond. Bien, nous voilà donc maintenant inside et c'est parti pour un supense insoutenable : nos hommes vont-ils se faire attaquer par des anticorps, se faire aspirer par des fistules, grossir avant l'heure, s'auto-éliminer ? Si action il y aura et si surprise surviendra, on reste surtout gentiment touché par ce soin apporté à ces décors sanguins ; on est pas dans Stalker au niveau de la poésie, certes, mais il faut reconnaître qu'on ne lésine point sur les effets spéciaux stroboscopiques : certaines artères sont aussi larges que des stations de métro, en nettement plus propres et en beaucoup plus colorées ; ce film est un véritable cauchemar pour tout daltonien tant l'on sent ici la volonté de jouer avec toute la gamme de couleurs qui existent dans le monde ; à part quelques effets de transparence un peu voyants, on peut dire sans trop de mauvaise foi que cela n'a pas trop vieilli esthétiquement et on repense parfois à son petit enchantement d'enfance (j'en rajoute un peu, bien sûr, tout le monde sait que j'ai noyé définitivement toute saudade dans le rhum). Alors, oui, bon, on peut se fendre d'un petit sourire quand Raquel est prise dans des poils d'oreille et la trouver un peu gourde à s’en dépêtrer... On pourrait aussi regretter que Fleischer joue plus la carte de la philosophie pascalienne (l'infiniment petit, mes amis - élevons notre pensée face à cet univers intérieur qui s'ouvre à nous) que du second degré ; ce sérieux un rien factice a pour le coup un charme un peu vieillot. Mais fi. L'ensemble reste tout de même très regardable, pour peu qu'on soit d'humeur à croire encore en sa capacité à s'émerveiller. Fantastic Fleischer donc dont l'œuvre ci-présente nous replonge dans notre passé intérieur.