90's (Mid90s) (2019) de Jonah Hill
Ce petit film du trublion Hill faisant parler de lui, toute la moitié de l'équipe de Shangols est parti enquêter sur le sujet. Pas grand-chose de vraiment nouveau ici a priori : une bande de gamins qui fait du skate, qui emmerde la société, qui s'initie à la fumette et à l'alcool. Larry Clarke en a déjà fait huit tomes sur le même thème. On serre un peu des fesses au départ en se disant que tout cela risque d'être un peu trop lisse, un peu trop production ricaine moyenne. Et l'on se trompe car, à l'image de la seconde scène où on voit un gamin balancé violemment contre le mur par son frère, Mid90's a une façon de traiter certaines 'issues" de façon plutôt frontale, sans tomber dans la provoc pour le fun (Larry, if you're listening to us) tout en teintant la chose d'une petite couche "nostalgique" (on sent qu'il y a du vécu du côté de Hill) aux accents relativement naturels et justes.
Soit donc Stevie un gamin pas super bien dans sa bidoche comme tout pré-ado qui se respecte pas, qui a en plus le bon goût de se faire fracasser par son grand con de frère, et un tantinet ignorer par sa jeune mère (le père, plus là). Il se rapproche d'une bande de skateurs du coin qui forme un petit gang soudé : un black zen qui fait ce qu'il veut avec sa planche, un acnéique taiseux qui filme tout ce qui bouge, un grand dadais vulgaire aux longs cheveux blonds de surfer (pas une marque d’intelligence, bien), un petit niais coincé. Pas l'équipe pour remporter un prix nobel mais une bande de potes qui vaut ce qu’elle vaut et qui surtout va peu à peu l'accepter... Stevie est petit mais il est vaillant. Il n'a surtout pas froid aux yeux. Sa première grosse gamelle en skate (pour ne pas dire pelle de la mort) est pour le coup assez marquante et lui permet de gagner des galons aux yeux des aînés parmi ses camarades (ce Stevie n'a indéniablement peur de rien). Hill donne un aspect assez crédible et inattendu à cette chute de haut, tout comme il sait traduire avec une certaine justesse les scènes les plus violentes (les bastons de Stevie avec son frère tournent mal). De la même façon, il trouve une certaine justesse, la bonne distance pour évoquer l'initiation amoureuse de Stevie (les faits et les post commentaires...) ; comme les cadres sont soignés, que la BO est chiadée et que chaque jeune acteur porte son personnage avec une certaine sincérité, ce petit film d'une époque, ce souvenir d'une pré-adolescence, ce récit initiatique, finit par se démarquer de ses récents concurrents. Il y a certes parfois des petits côtés un peu faciles (les personnages d'une pièce, le film final, ce best-of vu de l'intérieur, qu'on voyait un peu venir de loin...) mais on doit avouer avoir été touché par certains aspects de la chose qui arrivent au visage comme un direct (quand Stevie finit par se rebeller contre son frérot ou quand il remet sa mère "à sa place" ; toute la vraie rage de cet âge qui s'exprime, qui sort enfin). Un vrai récit d'apprentissage vintage et ricain qui évite assez justement quelques ornières niaises, qui sait faire preuve (et c'est suffisamment rare pour le signaler) d'une vraie sensibilité. Bon(s) petit(s) moment(s) qui reste(nt). (Shang - 24/04/19)
Sous le charme tout de go de ce minuscule film bien mieux réalisé que ce que sa modestie de narration suggère. On a déjà vu 1000 fois ces films d'enfants qui deviennent adolescents dans la violence et la brutalité de la vie patin couffin, mais Hill parvient à ajouter une pâte très subtile à la chose, et à mettre en scène avec esprit ce passage obligé. Dès le premier plan, on est happé par ce petit gosse au charme doinelien, projeté par sa brutasse de frère contre un mur puis roué de coups. On sent que Hill va raconter son histoire très honnêtement, en n'occultant pas les parts sombres de la chose. Stevie est un gosse normal, qui vit dans une famille normale, avec un frère peut-être un peu nerveux mais somme toute normal. Sa biographie nous est raconté sans en faire des tonnes dans l'explication psychologique à deux balles, même si on est souvent au bord : le gamin qui achète un CD de hip-hop pour l'anniversaire de sa brutasse de frangin, c'est un peu trop ; mais le frangin qui repousse le disque tout en lui jetant des regards abasourdis, c'est fin, et ça efface la lourdeur.
Quand notre héros rencontre sa bande de potes skateurs, la fiction s'arrête en quelque sorte : Hill se contente de regarder vivre cette joyeuse équipe, enregistrant merveilleusement les essais d'acrobaties skateuses, les heures de glande à paufiner je ne sais quelle figure, et surtout le simple plaisir d'être ensemble, de balancer des vannes et de fumer des pétards en apprenant à être un homme. C'est dans ses moments de latence, de simple témoin, où il se transforme parfois en documentariste, que le film est le plus charmant. Parce qu'on voit des garçons pas encore bien finis apprendre les codes, les acceptant ou s'en moquant parfois très frontalement. Hill parvient à rendre palpable la complicité, le mélange d'admiration et de fierté qu'éprouve Stevie au contact de ces mecs peut-être pas hyper brillants, mais dont les codes, les vêtements, la passion, correspondent à son envie de faire partie d'un groupe. Au bout du film, le gamin n'aura pas beaucoup progressé en skate, mais il aura appris à être indépendant, à vivre libre, à décider de ce qu'il aime et de ce qu'il n'aime pas, à faire la part des choses sur le monde... bref, à être un homme, y compris en testant les premiers émois sexuels (la scène très joliment écrite avec la gamine dans la chambre, d'une justesse totale.) On aime cette bande de mecs toute bancale mais soudée, on aime la façon dont Stevie s'inclue dans le groupe, on aime ce regard tendre mais pas mièvre, on aime la délicatesse d'écriture de Hill, on aime ce gamin ébouriffé au sourire radieux, on aime tout ce film adorable, au charme fou, qui nous replonge direct dans les désarrois de l'enfance et le fait avec finesse. (Gols - 04/09/19)
Cinetrafic nous a envoyé ce très joli film, édité par Diaphana Edition Video, en DVD, Blu-Ray et VOD le 3 septembre, et en EST depuis le 30 août (le lien vers le site et la page Facebook de l'éditeur).
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