Heaven is still far Away (Tengoku wa mada tôi) (2016) de Ryûsuke Hamaguchi
Je m'initie au gars Hamaguchi avec ce moyen métrage qui met en scène un trio : un homme (qui pixellise les films pornos, sympa les nouveaux métiers), une jeune fille morte (que peut voir notre homme) et la sœur d'icelle. Le principe est simple : même si la sœur est dubitative, elle veut interroger (tout en le filmant) l'homme sur ces relations (depuis 17 ans tout de même) avec la morte, voire discuter directement avec sa sœur (qui "prend possession" au besoin de son "fixeur"). Sur un sujet aux allures un peu abracadabrantes, Hamaguchi parvient à nous faire croire aux liens privilégiés entre l'homme et cette jeune femme disparue trop tôt (elle fut assassinée lorsqu'elle était étudiante), ainsi qu'à la réactivation d’une certaine connivence entre les deux sœurs... Hamaguchi marque indéniablement des points grâce à sa mise en scène : propre, nette, précise (la façon notamment dont les trois personnes apparaissent sur une même image : côté à côte, grâce au jeu sur la profondeur de champ, ou encore en insérant un cadre dans le cadre (l'homme étant filmé sur l’écran de la caméra de la sœur cinéaste et se trouvant entre les deux jeunes femmes - le photogramme ci-dessous est surement plus clair). Une mise en scène donc joliment réfléchie et surtout des dialogues fluides interprétés avec un grand naturel par ces jeunes acteurs ; même s'il y a parfois des champs/contre-champs, on a souvent l'impression d'assister à seulement trois-quatre plan-séquences, sur trente-huit minutes. Totalement immergé dans son rôle, l'homme, sans en faire des tonnes, parvient à louer son corps et sa voix à la jeune femme assassinée ; sans mimiques à la con, sans accent trop aigu dans la voix, il parvient en un sens à rendre vivant, à redonne une seconde vie à cette jeune étudiante qui se refuse tant et plus de monter au paradis (la route est longue et le problème c'est qu’on n’est pas sûr d'en revenir). Les deux actrices au visage très lumineux ajoute une petite pointe de charme à cette œuvre raccourcie qui parvient, sur un sujet casse-gueule, à faire le portrait de trois individus "en manque" ; le paradis est peut-être loin mais le happy end pas forcément. Belle petite histoire sur une disparition qui ne se finit pas forcément sur une impasse.