Les Chansons que mes Frères m'ont apprises (Songs my Brothers taught me) (2015) de Chloé Zhao
On retrouve Chloé Zhao après avoir découvert son second long, The Rider, une histoire de rodéo version lose. Elle nous emmène ici dans une réserve indienne où l'on ne peut pas dire que le climat soit très olé-olé (les indiens Oglagla étant surtout connus il est vrai pour leur sang-froid) : il est interdit de picoler au sein de la réserve mais il semble bien que ce soit l'activité principale de tout un chacun (tu veux faire quoi, faut dire, à part faire du cheval et te péter le coccyx ?). On suit justement les traces de John, un jeune gazier qui revend de l'alcool de façon illicite dans la réserve. John n'a pas une vie super passionnante mais tente de faire avec. On fait connaissance avec son entourage : sa petite copine toute mimi, sa mère pas vraiment jouasse et surtout sa petite soeur, Jashaun, qui l'adule... Seulement voilà, John veut se barrer à L.A. avec sa copine et tenter de "faire sa vie"... au grand désespoir justement de sa sœur. Sera cap ou pas cap de l'abandonner, le bougre.
Zhao semble plus intéressée à réussir un film "d'ambiance" qu'à construire un récit. Peu d'événements, de rebondissements ici. On suit surtout en de courtes saynètes la petite vie des uns et des autres - et surtout de John... John vendant son alcool (et se faisant démonter la tête par un autre gang), John faisant l'amour et devant faire face à un impondérable mensuel, John emmenant en balade dans des montagnes de ouf sa sœur dont il hurle le nom, John visitant son frère en prison, John et Jashaun assistant à l'enterrement d'un père qu'ils n'ont quasiment jamais fréquenté (faut dire que le type avait une sacré réputation : neuf femmes, plus de vingt gamins, faut faire ensuite des concessions...), Jashaun trainant sa nonchalance chez un type qui vend des vêtements faits main... Vous allez me dire, bref, c'est un peu chiant. Eh bien oui et non : on se laisse aller à découvrir cet endroit hors du monde et ces petites histoires finalement très banales (vous connaissez quelqu'un qui ne boit pas, vous ? ou qui ne fait pas de rodéo ? Bon), ces petits liens touchants entre les membres de cette famille (John, sa soeur, leur mère) qui tente de survivre au jour le jour. John est plutôt placide, Jashaun un peu timide et la mère discrète (bref, les discussions de famille ne sont pas franchement animées même en cas de crise). Zhao tente (et réussit assez bien) de capter des moments, des gestes, des frissonnements de la nature, une atmosphère donc, plus que des dialogues infinies. Il y a un vrai petit charme à la chose même si le fil est tellement tenu qu'on a peur de ne pas en retenir très longtemps grand-chose... Un conte d'indiens contemporains qui ont perdu semble-t-il toute fougue d'antan mais qui survivent en tissant entre eux, dans le tepee familiale aux allures de long house posée au milieu de la nature, des liens fragiles. Film fragile, oui.