Minding the Gap (2018) de Bing Liu
Un nouveau doc sur le skate, ben oui, tiens pourquoi pas, et est-ce qu'il y a du cul aussi tant qu'à faire ?... Attention, ne nous méprenons point. Si la scène d'ouverture (des skaters montent sur un toit) pourraient laisser à penser qu'on aura droit à un truc à la yamakazi sur des casse-cous à la con, on devra vite déchanter ; les types, qui ont le vertige, descendent du toit et on se rendra rapidement compte que les gaps, les trous, du titres font plus référence à ceux qui se trouvent dans leur tête (des traumas d'enfance) qu'à des obstacles à franchir en skate... Bing Liu suit ses potes depuis des années et des années... Il filme tout, les virées en skate, surtout, les gamelles, les premières beuveries. Seulement voilà, d'un simple doc sur une tribu de potes un peu couillons, le doc vire progressivement à l'aigre... On apprend peu à peu que le black Keire se faisait "abuser" par son père, que Bing Liu, lui-même, se faisait fracasser par son beau-père et que le skate représente finalement une petite échappatoire par rapport à toutes ses blessures qui restent en tête. Bing Liu s'intéresse également à un troisième larron, un certain Zack : très tôt il a un gosse avec sa gorette, très tôt ils s'engueulent, très tôt ils se séparent, très tôt le gamin se retrouve sans père... Tout cela pourrait sembler parfois un peu anecdotique (ma vie de merde, ma famille de merde dans une petite bourgade de merde ricaine - hopefully il y a le skate, amen), mais Bing Liu parvient peu à peu à nous rendre ces petites personnes banales un rien attachantes. Il suffit de filmer Keire dans un cimetière à la recherche de la tombe de son père pour qu'on sente toute la détresse de ce gamin et l'affection-haine qu'il continue d'avoir pour cet enfoiré irremplaçable. Il suffit de filmer la mère de Bing (interrogée sur son absence de réaction alors même qu'elle devait bien savoir que son fils se faisait tabasser par son beau-père) pour que soudainement une chape de plomb tombe sur le doc - donnant aux gamelles au skate des allures de tous petits bobos. Il suffit de suivre sur plus de dix ans l'évolution de ce semi-branleur de Zack pour comprendre que les histoires d'amour précoces ont parfois la vie dure... rah, c'est pas non plus ravageur émotionnellement, mais on sent un vrai travail de fond et de forme (un montage de dingue, imagine-t-on, vu qu’il filme tout) par le gars Liu qui parvient mine de rien, l'air de ne pas trop vouloir y toucher, à toucher justement deux trois cordes sensibles : le parcours de gaziers qui commence dans les rires gras et sur des roulettes et se termine avec une petite dose de pathétisme qui en dit long sur cette Amérique reculée où l'american dream a des allures parfois de shitty nightmare (toujours sur roulettes).