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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
10 août 2019

Un grand Voyage vers la Nuit (Di qiu zui hou de ye wan) (2019) de Bi Gan

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Le cinéma chinois retrouve toute sa verve en ce début d'année 2019 : après Hu Bo, film unique dans tous les sens du terme, Bi Gan nous revient avec un second film qui tient toutes ses promesses, à la fois délicieusement envoutant et d'une audace folle ; il faut s'accrocher, je ne dis pas, notamment dans la première heure, Bi usant des flash-backs avec la même dextérité qu'un Wong Kar-wai grande époque. Le fil rouge est pourtant assez simple (surtout une fois qu'on a relu le scénario, je dis pas) : un certain Hongwu a connu il y a 15 ans une certaine Wan Qiwan, petite amie du tueur du meilleur ami de Hongwu - voilà pour la partie « analepse ». On suit dorénavant notre gars Hongwu (il a eu raison de se faire pousser la barbe pour qu'on puisse faire la différence) de retour à Kaili (15 ans plus tard donc) pour la mort de son père... Il est sur les traces de Wan Qiwan mais aussi de sa mère dont il ne possède qu'une photographie en partie brûlée. On s'arrêtera là pour rester sur cette idée de simplicité.

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La première heure ne cesse de faire des allers-retours entre ce passé (un rien troublé) et ce présent (un rien troublant). Dans la seconde heure, Hongwu, installé dans une salle de cinéma, va effectuer ce "grand voyage vers la nuit", véritable rêve éveillé durant lequel de multiples correspondances pourront être fait avec son "histoire" : un plan séquence magistral dans le labyrinthe de ses souvenirs, de ses fantasmes, dans un lieu nocturne qui a des allures de « forteresse déchiquetée de sa psyché ». Ici, on l'aura compris, le scénario (une histoire d'amour avortée, une mère disparue, un ami assassiné, un enfant que le héros aurait pu avoir...) semblerait presque un simple prétexte pour que pouvoir jouer sur des motifs répétés, des correspondances, des obsessions... Grâce au retour vertigineux et hitchcockien de la femme perdue, au mélange wong Kar-waien des cendres du temps, à l'esthétisme ultra chiadé des images, au travail lynchien sur le son (la scène bluevelvesque du crooner-tueur…), Bi Gan nous emmène dans un univers à la fois déjà connu et d'une originalité totale. Certains pourraient n'y voir que prétention, qu'œuvre de petits malins, qu'ennui soporifique... Il n'en est rien (voilà, taclons toute critique de façon lapidaire...) tant tout est maitrisé jusqu'à la folie - encore faut-il aimer se laisser entraîner sur des chemins non prédéterminés et faire confiance à la magie totale de ce cinéma-là : personnellement, tout en reconnaissant avoir envie de le revoir dans la foulée pour tout éclaircir, j'en suis ressorti totalement abasourdi, ne cessant depuis de tracer des liens entre le passé du héros, son "présent" et cette "projection" fantasmagorique dans la salle de cinéma.

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On pourrait s'amuser à faire une longue liste des éléments récurrents : de la raquette de ping-pong (jeu que Hongwu voulait enseigner à son enfant, raquette-cadenas (...), match que le héros, dans la seconde partie, livre contre cet enfant d'outre-tombe, raquette-volante (...)) au motif du feu (l'incendie dans lequel a disparu la mère, l'incendie de la chambre des amants, le petit feu d'artifice éternel sur la fin), on n'a de cesse de rebondir, de percevoir des échos qui renvoient autant à la poésie baudelairienne qu'au flou modianesque des souvenirs. J'évoquais plus tôt le travail sur le son qui est absolument admirable : entre les grondements lynchiens et les petites mélodies nostalgiques, on est plongé tout du long dans une atmosphère qui nous hypnotise littéralement les oreilles (si, c'est possible, la preuve) ; le plan séquence final, digne d'un Sokurov grand crin (on rase les murs, on vole, on voyage avec la même maestria sur terre et dans les airs), est prodigieux en ce qu'il nous donne le temps de réfléchir avec le héros à tous ses traumas, au puzzle de sa mémoire, ou encore à ses ultimes désirs. Bref, je m'arrêterai là parce que j'ai vacances mais cette œuvre de Bi Gan tient parfaitement toutes ses promesses pour peu que l'on aime à se perdre dans la conscience hallucinée et hallucinante d'un pur cinéastophile.   (Shang - 10/08/19)

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Magnifique texte proustien de mon grand sentimental de Shang (je le vois ce soir, faut que je fasse attention à ce que je dis), mais il me faut admettre que j'ai pris beaucoup plus de plaisir à le lire qu'à voir ce film, qui présente à peu près tous les défauts que Shang lui dénie. Alors attention, ne me faites pas dire : c'est brillant, spectaculaire, impressionnant, et je suis même prêt à admettre que je suis passé complètement à côté ou que je n'ai pas su sentir l'aspect indicible du film, sa nostalgie, sa symbolique. Mais disons-le tout cru : je me suis pas mal emmerdé devant la chose, même si Bi Gan a courageusement cherché à m'en mettre plein la vue. D'abord parce que je n'ai strictement rien compris au scénar. La première heure est un puzzle hyper-complexe qui mélange les temps, les lieux, les points de vue, si bien qu'au bout de 4 minutes on n'arrive plus du tout à saisir qui est qui, ce qu'il vient faire là, pourquoi il a un flingue ou pourquoi il pleure. Complexifiant à l'excès sa façon de raconter, suivant le vieil adage quil est toujours plus arty de faire compliqué quand on peut faire simple, ou simplement (voyez comme je ménage la chèvre et le chou) pour donner un aspect proustien, sensitif à son histoire, Bi Gan livre une trame éparse, trop elliptique, qui perd volontairement le spectateur jusqu'au vertige. On regarde donc les séquences s'enchainer, désespéré d'y trouver un quelconque lien, le cerveau dans le rouge, mais accroché quand même par la mise en scène, brillante jusqu'au maniérisme, très proche de Wong Kar-Waï effectivement dans la forme et dans le côté "amour manqué" du scénar (c'est le seul truc que j'ai capté).

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Bien sûr  on attend la fameuse deuxième heure, qu'on nous annonce incroyable. Et elle l'est, c'est vrai. Comme dans son précédent film, Bi Gan expérimente le plan-séquence halluciné et hallucinant, et réussit une expérimentation magnifique. On ne sait pas comment il est parvenu à régler cette scène qui dure quand même 1h et qui traverse les lieux avec une virtuosité bluffante. Mais autant dans Kaili Blues, la chose était justifiée, et nouvelle, et plus virtuose encore (puisqu'il y avait des changements de temps au sein de la séquence), autant là on tique un peu devant le formalisme un peu roublard de la chose : ce plan-séquence ne semble avoir d'autre justification que de nous plonger dans une atmosphère onirique proche d'un Lynch, ce que ne préparait pas la première partie, et arrive comme un cheveu sur la soupe. Aucune utilité à la chose pour moi, et si cette figure est maniée réellemment en maître, on regrette qu'elle ne soit qu'un gadget un peu facile. Malgré tout, on suit cete deuxième partie toujours aussi pantois (mais qu'est-ce que ça raconte, bon sang ?) mais en tout cas embarqué dans cette longue séquence erratique très douce, très romantique. Voilà, je reconnais : ce n'est pas un film pour moi, et je laisse à Shang le champ pour chanter les louanges de Bi Gan avec toute sa verve.   (Gols - 10/08/19)

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Commentaires
A
Je viens de le revoir hier soir. " Abasourdi " dit Shang. Oui, avec les yeux écarquillés devant autant de beauté. Je trouve qu'ils ne sont pas si nombreux que ça dans le club, et que c'est à coup sûr une raison pour ne pas mégoter son admiration.
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