Paul Sanchez est revenu ! (2018) de Patricia Mazuy
On comprend bien le projet initial de Mazuy : tenter de marier finement faits divers frenchy (on a tous quelque chose en nous de Dupont de Ligonnès), film noir sous influence ricaine (High Sierra et sa montagne refuge), comique troupier grâce à des flics toujours plus cons de film en film (merci Dumont), film psychologique à suspense avec vrai ou faux coupable... On veut bien comprendre, disais-je, et on reste relativement satisfait durant la première demi-heure avec un Laurent Lafitte de plus en plus acculé, fuyant ce qui semble être son passé (à moins que cela soit tout simplement son présent...!). On est prêt à laisser à Mazuy le temps d'installer son style et ce ton plutôt particulier et original... Malheureusement, ces gendarmes couillons comme des Tropéziens en leur temps ne sont pas drôles du tout et versent très vite dans la caricature molle (Philippe Gérard, au secours) - Mazuy n'arrive pas à la cheville de notre Bruno D. dans le grotesque -, les dialogues paraissent souvent très maladroits (des expressions trop écrites,certaines situations) et sont joués par des acteurs guère à la hauteur (Zita Hanrot, fébrile, Idi Chender, affreux), le suspense tourne très court (Ah oui, le coup de la piscine… Patricia n'est assurément pas Raoul W.) et même si Laurent Lafitte se plie en quatre pour jouer ce rôle de dément (personnage hautement casse-gueule), on se dit que cette nouvelle tentative de film « à la française » qui lorgne sur divers genres tombe affreusement à plat. Je n'ai rien contre le ton décalé, la dérision, l'absurde, au contraire, le problème c'est que Mazuy se veut sérieuse quand cela l'arrange pour faire avancer son scénar (qui est Paul Sanchez, hein ? Hahah, attention…) et pseudo comique décalé pour apporter sa petite touche perso (un flic con, je pensais que c’était un pléonasme)... Mais ce n'est jamais vraiment drôle (et les acteurs cités plus haut ainsi que les divers amateurs de la région recrutés pour le besoin ont leur petite responsabilité là-dedans) et l'on n'est finalement jamais pris à la gorge tant la tension retombe mollement (la femme au commissariat qui joue "la donzelle esseulée et éplorée", par pitié, revendez-là ou filez-là à Jean-Pierre Jeunet pour sa prochaine comédie avec des tronches taillées pour la publicité). Ce petit intérêt soulevé dans un premier temps ne suffit donc pas : pire, rapidement, on se prend à souligner le ridicule (voulu ou non, là est la question) de certaines situations qui arrache un sourire contrit (Zita montrant ses sous-vêtements au journaliste (oups), Zita tenant en respect Lafitte avec son fusil (Jack Bauer, reviens putain, qu'on y croit), Lafitte avec le même maquilleur que Nosferatu serrant des dents face à l'adversité). Certains critiques crient à l'extase devant cette Mazuy's touch, personnellement elle me laisse plus souvent pantois qu'à mon tour - des idées, un concept, au départ, qui s'écrasent comme des oeufs sur le plat. Bien déçu par la chose. (Shang - 23/12/18)
Moins sévère que mon camarade, c'est indéniable, même si je reconnais que ce film est très vite oubliable et qu'il se résume beaucoup dans ses tentatives stylistiques. Je salue sans vergogne les essais de Mazuy concernant les tentations de "pollution" du cinéma français normé par d'autres univers qui, a priori, lui vont comme des moufles à une couleuvre verte. Le drame français se teinte de comédie, le cinéma américain vient pénétrer la psychologie, et le film, du coup, en ressort comme un objet hybride, certes parfois maladroit, mais au moins original et audacieux. On est même franchement dérangé dans nos habitudes confortables quand on voit une scène légère, dessinée dans un registre comique, virer subitement au thriller pur ; ou quand on découvre un personnage classique du polar, ce fameux Paul Sanchez recherché par toutes les polices pour le meurtre de toute sa famille, emberlificoté tout à coup dans une bâche, rendu ridicule par une situation absurde ; ou quand, levant les yeux de son triste sort, il découvre alors un vaste territoire (très jolis paysages du Var) qui évoque aussi bien le western que le Bogart des grands jours. Oui, le film joue ainsi des registres, refusant de se laisser enfermer dans un genre, de servir la soupe à tel ou tel public. Rien que pour ça, il mérite le respect, dirais-je, d'autant qu'il est aussi souvent intéressant dans son scénar (le beau personnage de Laurent Lafitte, homme solitaire, désespéré, qui compense sa haine viscérale de la vie par l'invention d'une autre vie, encore plus nihiliste), et joué dans un style étrange. On pense, oui, à P'tit Quinquin, mais sans la dose de farce ; c'est plutôt en creux, dans la modestie, qu'il faut aller chercher la direction d'acteurs de Mazuy. Si Lafitte, justement, n'est pas toujours à l'aise dans cet entre-deux entre peur et rigolade, j'ai pour ma part apprécié le jeu de la petite Zita Hanrot (alors que le souvenir de sa prestation dans La Fête est finie me glace encore le sang), pétillante, décalée, qui accepte le ridicule et à qui la cinéaste offre quelques scènes coquignolesques : elle manie le fusil de chasse sans copier les flics américains (justement, l'anti-Jack Bauer), et s'offre à son amant avec une candeur et une maladresse poilantes. Après, c'est vrai que le film n'est pas passionnnant tout le long, qu'il y a de gros creux, des lourdeurs, qu'à force de chercher le mélange des genres Mazuy finit par s'embrouiller les pinceaux, et que le tout aurait sûrement mérité à être plus tenu. Mais voilà un petit film d'école buissonnière ma foi bien agréable. (Gols - 27/12/18)