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22 janvier 2019

Une Pluie sans Fin (Bàoxuě jiāng zhì) de Dong Yue - 2018

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Du vieux polar pluvieux dont on fait les romans noirs, moi je vous le dis : Dong Yue, pour son premier film, réussit brillamment son entrée chez les polardeux déprimés, et, ne seraient quelques vélléités de jouer aux artistes conceptuels sur la fin, on serait prêt à admirer même son grand classicisme. Le film est complètement dans la veine de ces intrigues retorses que nous ont servies Bong Joon-Ho ou Na Hong-Jin ces dernières années ; on peut même trouver qu'il en est une copie. Mais la copie est brillante, et on suit ce machin noirissime bouche bée. La grande plus-value de celui-ci, c'est qu'il s'inscrit dans une période précise de l'histoire, et que cette période imprègne la trame : on est en 1997, et Hong-Kong est rétrocédé à la Chine. Ce fait décentre le personnage principal, brouille son identité, et plonge le film dans son entier dans une forme dépressive, crasseuse, qui frappe la rétine. Une série de meurtres est commise sur des jeunes femmes, et devant l'incapacité de la police, Yu Guowei, chargé de la sécurité d'ue usine proche, se charge de mener son enquête perso. Amateur certes mais malin, le gars parvient à remonter les pistes. Il va aller de déconvenues en espoirs, lors de scènes dynamiques et de coups de théâtre pêchus, et le film bénéficie avant tout d'une bonne intrigue policière, propice aux scènes d'action (notamment une poursuite à pied dans l'usine, vraiment impeccablement montée) et aux longues filatures. En parallèle, on suit l'histoire d'amour de Guowei pour une femme (réelle ou imaginaire ? on est toujours dans un délicieux entre-deux), qu'il imagine peu à peu la prochaine proie du tueur. Ses fixettes vont finir par avoir raison de lui : sur fond de fermeture d'usine et d'entourloupes de sa hiérarchie, le gars va plonger dans un fatal engrenage d'obsessions, et tout ça va se terminer dans le drame.

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Une Pluie sans fin, formellement, est superbe : Dong travaille une palette de couleurs qui va du marronnasse au gris perle d'une étrange beauté, le film est à chaque seconde enseveli sous une pluie battante, où les courses sont handicapées par de grosses flaques de boue. Le décor est constitué de mornes cours d'usine, de rues banales, de terrains vagues, et le visage du quartier baptisé "Hong-Kong", on peut le dire, n'est guère riant. Au milieu de ce marasme, les personnages, mutiques jusqu'à l'autisme, guidés par des soucis d'émancipation et de réussite économique, complètement embringués dans un système de castes et de hiérarchie, s'agitent comme des beaux diables sans but. L'enquête en fera les frais, puisque sa résolution, sans gâcher la chose, sera faite dans l'eau de boudin la plus trouble. Dong est là pour densifier les scènes d'action, assez violentes, les mettant en scène avec précision et un sens de l'esthétique et du rythme indéniable. Comme je le disais, il termine son film sur une note un peu onirique, dernier coup de théâtre (dont je n'ai pas bien compris le sens, j'avoue) un peu en trop, on sent que le gars veut être un grand cinéaste. Mais malgré ça, Une Pluie sans fin se regarde avec plaisir, et laisse dans les yeux un sens du plan évident.  (Gols 23/12/18)

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Voilà un temps adéquat (vent + pluie d'enfer sur la côte mahoraise) pour se plonger dans ce film chinois on ne peut plus humide. On aime (de la pure nostalgie un rien masochiste) ces bâtiments chinois où la moitié de la population du pays semble tenir, ces usines glauques à mourir mais presque belles dans leur aspect fantomatique, des sortes d'usines-poulpes dont les multiples tuyaux envahissent le peu de campagne environnante (il reste dix arbres sur l'ensemble du continent) ou encore ces intrigues sordides qui reflètent à la perfection l'état d'esprit des personnages : plus on s'enfonce dans la mouise et plus cela est en adéquation avec leur espoir, leur rêve. Notre héros, le pseudo détective Yu a tout du parfait panier garni : un assistant qui meurt prématurément, une amie prostipute qui rêve de partir un jour à Hong-Kong (oui, il y a définitivement un doute sur sa réelle existence - c'est la seule qui semble en couleur), un serial-killer qui ne cesse de lui glisser entre les doigts, forcément, avec cette putain de pluie qui ne cesse de tomber et de graisser les mains... Et pourtant, il veut encore y croire - à quoi, on ne sait trop mais c'est l'intention qui compte (une quête d'identité, en quelque sorte, comme le laisserait à penser les derniers plans - une identité « retrouvée » qui lui permet au moins de s'extraire de ce lieu où il s'est perdu, où il est devenu littéralement fou...)

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C'est toujours bon cette dépression latente dans les films chinois même si ici il faut bien reconnaître que la seconde heure lambine un peu, fait du surplace un peu pour le plaisir - comme pour user nos nerfs... Du coups les trois coups de théâtre dans les dix dernières minutes semblent un peu surfaites, comme si le gars Dong chercher à nous faire tomber de notre siège après avoir pris un malin plaisir à nous y clouer... Esthétiquement, je plussoie sur l'avis ci-dessus - sens du cadre indéniable (ces plans verticaux, en plongée, qui accompagnent la pluie (une véritable "caméra-nuage), mise en lumière impeccable de ces gris, de ces noirs, de cette boue chinoise...) C'est presque un peu trop propre (jamais content bordel) pour un sujet plus déprimant qu'il pourrait en avoir l'air (tout foire en un sens, pour notre cher héros... qui de toute façon s'en fout, ne commente jamais rien : une belle âme chinoise parfaitement résignée). Un film soigné, carré, qui a gentiment fini par me mettre la crève.  (Shang 22/01/19)

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