Les Griffes de la Nuit (A Nightmare on Elm Street) de Wes Craven - 1984
Aaaah les émotions adolescentes !... Revoyure de ce film qui mouilla le lit de mes 13 ans, et me fit pleurer ma mère en hurlant "Freddy ! Au secours, y a Freddy !" au milieu de la nuit. Et revoyure, il faut l'admettre, nettement à la baisse, puisque ce film-culte qui terrorisa tant d'adolescents a pris un méchant coup de vieux derrière les naseaux, et ne déclenche plus que les sarcasmes aigris de l'adulte courageux que je suis désormais. Il y a pourtant une excellente idée au départ : Freddy, jadis lynché par la population de cette petite ville, revient hanter les membres de la génération suivante en les assassinant dans leurs rêves. Le but ultime donc : ne pas dormir, ou mourir étripé de l'intérieur par les mains en lames de rasoir du croquemitaine. Le fait que Freddy habite dans les rêves de ces jeunes est idéal pour Craven : ça lui permet de le rendre invincible, et doté de capacités qui dépassent la réalité. Freddy est omniscient, a les bras qui s'allongent, peut agir sous l'eau ou à travers le téléphone, et son ricanement peut se faire entendre à tout moment. C'est bien un peu son problème : pendant 95% du temps que dure le film, il ricane, et il fait crisser ses lames sur les murs. On peut se lasser un peu de ces attentes infinies, et comme il n'agit que rarement, relever plutôt les incohérences de jeu et les effets spéciaux un peu bancals (ah la poupée gonflable du dernier plan !). C'est dommage. On note aussi la somme de clichés qui jalonnent le film, mais on se demande aussi si ce film les a piqués ou s'ils n'ont pas plutôt été recyclés à l'infini depuis. Je me tourne vers les encyclopédistes qui nous servent de commentateurs : de quand date le premier film d'horreur avec fillettes jouant au ralenti sur fond de comptine enfantine ? (on pourrait aussi faire le jeu pour le premier film d'horreur avec coupures de journaux moisies retrouvées au fond d'un grenier ; ou le premier film d'horreur avec ombre glissant au premier plan sur un coup de violon ; mais je m'égare.)
Trêve de pas de côté : tout ça pour dire que le film est aujourd'hui bien peu effrayant, que les acteurs sont en-dessous de toout, que les effets horrifiques ont pris un coup dans l'aile, et que le film est souvent poussif et amateur. Il n'empêche : le bon Wes est bien là quand il s'agit d'envoyer de l'hémoglobine et de faire monter la tension. La mort d'une jeune fille traînée au plafond dans de grandes traînées de sang, ou celle de notre bon Johnny Depp qui s'enfonce dans son matelas avant qu'un véritable geyser de sang inonde la chambre façon Shining, gardent leur pourvoir de fascination. Tout autant que les apparitions de Freddy qui distend les murs ou apparaît dans les sommiers avec une belle constance. Craven mèle relativement habilement les grands motifs du rêve (l'escalier dans lequel on s'enfonce, et qui empêche toute fuite) avec la réalité ; et la simplicité de son scénario, qui ne s'embarrasse pas de flashs-back à rallonge ou d'explications fumeuses, nous fait revenir aux temps sains de ces films punks et premier degré qu'on aimait à l'époque. Aussi bon est le méchant, aussi bon est le film, dit-on, et ça se vérifie ici : Freddy Krueger est parfait, grimaçant et ridicule, potache et dangereux, dessiné avec intelligence (son vieux pull cradasse, son chapeau informe, son gant tranchant), et il n'est pas étonnant qu'avec un tel personnage, les suites se soient accumulées. Bref, le film a vieilli dans sa forme, mais reste toujours un jalon important du genre dans les grands moments.