Leave no trace (2018) de Debra Granik
Après le surfait Captain Fantastic et le peu convaincant Nicolas Hulot, retour à la nature avec cette oeuvre de Debra Granik (le très bon (et âpre) Winter's Bone même si je pense qu'il n'y a que moi qui m'en souviens). Soit donc un père et sa fille vivant en autarcie dans un parc, une sorte de réserve naturelle forestière. Ce vétéran (il ne supporte plus le bruit de l'hélico) veuf (on n'en saura pas plus) se plaît à vivre au milieu des feuilles avec sa grande jeune fille débrouillarde mais un rien effacée... Et puis, Jeannette, ils ont chargé, oui, les flics, alors même qu’ils faisaient une partie d’échec : retour forcé à la civilisation pour nos deux exilés. On les installe en pleine nature, avec un minimum de confort ; le pater met la boîte à con au placard, bosse dans la forêt et la chtite commence à se socialiser (avec un type qui élève des lapins, il faut bien un début à tout...). Mais le père, genre de François Damiens qui ne supporte pas la déconne, lui, n'en peut rapidement plus : rah, c'est pas à nous tout ça, et puis faut suivre leurs règles, et puis et puis... Bref, il décide de repartir en cavale : pour garder sa chtite au plus près de lui ou par volonté de rester en contact constant avec la nature ? C'est un peu la problématique qu'on pose, un peu tardivement...
Il y a indéniablement chez Granik des accents de sincérité, une certaine grâce à filmer ces deux individus dans leur petit milieu naturel : on est au plus près des toiles d'araignée, des gouttes de rosée, des nez qui rosissent au petit matin, des mentons qui tremblent (notamment quand une émotion submerge la gamine)... C'est sensible même si on a un peu de mal à saisir complètement l'objectif de la manœuvre... Oui le père veut quitter la civilisation, de ce point de vue-là le message est clair ; mais, après avoir eu l'impression que sa gamine était le centre du monde (on projette forcément un peu sa propre histoire), on a comme un doute : l'essentiel n'était-il pas pour lui de rester auprès d'elle ? Très vite, on se rend compte que la gamine goutte à ce retour à la civilisation (a minima) mais que cela ne suffit pas à faire bouger d'un iota le pater sur ses idéaux ; il préfère embarquer sa fille dans la galère (la forêt, c'est sympa en balade, mais y vivre, la nuit, quand il fait froid, c'est quand même mieux quand on est un hérisson) plutôt que de faire des concessions auprès de la "société". Son comportement paraît un peu égoïste (sa fille a quand même le droit à sa petite dose de société, non ?) et l'on reste quelque peu sur sa faim quant au déroulé du film... Granik, plutôt que de pousser un peu plus loin sa réflexion, s'arrête lors de la dernière partie sur une communauté baba qui chante de la country comme à l'époque de la préhistoire : tout cela est bien roots mais elle botte aussi un peu en touche nos deux personnages principaux... Le film du coup ne débouche sur pas grand-chose si ce n'est comme un petit manuel de survie en forêt par tous les temps – même si je me spécialise tantôt sur les bivouacs, l’ensemble est un peu mince... Trop de nature tue la nature – humaine.