Saludos Hombre (Corri Uomo corri) de Sergio Sollima - 1968
Contrairement à quelques-uns de ses collègues en westerns-spaghetti, Sergio Sollima n'a pas laissé une trace indélébile dans l'histoire du genre, et il a fallu que Patrick Brion, et maintenant vos serviteurs, l'extirpent de l'oubli pour qu'on en parle encore. Un travail tout à fait honnête que ce Saludos Hombre, qui recycle sagement les éléments fondateurs du genre (les cow-boys, le trésor caché, le bon, la brute, le truand, la ou les femmes fatales) et y ajoute comme il se doit une touche de modernité, histoire de se démarquer et d'ajouter une touche italienne à la chose. Ça forme un film regardable, mais qui manque clairement de personnalité, et qui accumule quelques défauts bien gênants qui l'empêchent d'accéder au Panthéon.
Juste avant de mourir dans un aaargh desespéré, un chef de la Révolution mexicaine confie à un bagnard la carte du trésor qu'il a enterré, pour alimenter les réseaux révolutionnaires. Cette carte va être convoitée bien entendu par un paquet de gens aux buts plus ou moins nobles, d'un couple de Français très suaves mais bien cupides à un ex-combattant de la révolution, en passant par une horde de bandits mal-famés et une gonzesse qui veut se servir de cet argent pour marier notre héros, bien perdu au milieu de la cohue. Il va falloir qu'il joue sans cesse du couteau (le type est un champion) et en passe par des tortures très raffinées (genre attaché aux ailes d'un moulin, et pan, un gnon à chaque passage) avant d'arriver au happy-end. Bon, il va falloir aussi qu'il se coltine des acteurs pas très brillants, entre autres un beau ténébreux absolument consternant, Donald O'Brien, à la présence à peu près aussi forte que son cheval. Il va falloir aussi qu'il vive ses aventures sur une musique assez pénible (signée pourtant Morricone, mais sous pseudo) et qu'il se fade une mise en scène pas palpitante, faite de moments convenus, d'humour pas fin et de clichés à la chaîne. Ceci dit, cet acteur (Tomás Milián) a suffisamment d'abattage pour porter à lui tout seul le film sur ses épaules, et le film est suffisamment rempli de rebondissements, de décors changeants et de péripéties (et de superbes interprètes féminines) pour mériter un coup d'oeil satisfait. Surtout, le film est doté d'un petit discours quasi-anarchiste qui fait du bien : Cuchillo navigue à vue, d'abord avide d'or, puis peu à peu gagné par ses sentiments révolutionnaires, mais le monde décrit est livré en pâture au désordre et à l'anarchie : tout le monde veut le trésor, et très peu pour de bonnes raisons. Quelques plans sont également particulièrement glamour, comme ce duel final où le héros est dessiné très graphiquement pour le rendre mythique. Bon, on est loin d'un sommet du genre, mais ces deux heures passent peinard, ne gâchons pas notre tout petit plaisir.