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30 août 2018

La Madre de Jean-Marie Straub - 2012

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S'il y en a un dont on peut dire qu'il est cohérent et fidèle à lui-même, qu'il ne plie jamais face aux diktats et aux modes, qu'il sait rester vaille que vaille debout face aux vents, c'est bien le compère Jean-Marie. Entre deux courts-métrages radicaux, le voilà donc nous proposant un court-métrage radical qui ne choquera pas l'afficionado de base (ce que, mine de rien, je suis devenu avec le temps, voir cette putain d'odyssée) : ça commence donc, bien sûr, par un écran noir de 5 bonnes minutes au cours duquel il nous est tout loisible d'écouter peinard un morceau de Mahler, il est vrai très beau. Ensuite, c'est le gros morceau : un dialogue monté au millimètre entre Meleagros, brave chasseur sans envergure, et la mort (?), dans lequel l'homme s'interroge sur les arcanes de la maternité ; certes, les mères donnent la vie, mais pourquoi la sienne lui a-t-elle pris la sienne ? Un questionnement métaphysique dont les arcanes m'ont quelque peu échappé, je ne suis pas bilingue non plus, mais qui a l'air de bien torturer notre gars, et Pavese aussi puisqu'il lui consacra ce texte. On ne change pas une équipe qui gagne : la grammaire straubienne ne varie pas d'un iota. Les deux acteurs, soigneusement séparés par le montage dans des cadres visiblement pris sur deux temps différents (le vent sur la femme, le calme estival sur l'homme), "récitent" leur texte en variant les axes de regards, sans jamais que ceux-ci aient l'air de se croiser réellement. Meleagros est dans une position d'introspection, tête baissée, ou lève les yeux au ciel pour questionner les nues ; son interlocutrice a le regard dirigé vers le bas, comme supérieure à lui ou omnisciente ; mais on dirait que ces deux-là ne sont pas dans le même "temps", dans le même espace, malgré de temps en temps le croisement des voix. Quelques petites variations là-dedans, des changements de valeurs de plans, un regard féminin qui monte parfois vers le ciel, et emballé c'est pesé, voilà une nouvelle pierre dans le jardin de Straub. C'est solennel en diable, mais adouci par la présence très forte de la nature et du décor moderne (la maison en fond d'écran), toujours ramené à la vie concrète alors que ce dialogue se fait dans un espace indéfini (Meleagros est mort). C'est la force du film : les deux pieds enfoncés dans la terre mais la tête dans les limbes. Bon, après il est vrai que Pavese ne me fait pas relever la nuit, et qu'on se fait un peu chier devant le questionnement angoissé du bougre et la pompe des réponses qu'il reçoit. On a bien, comme toujours, la question de la durée qui est abordé, la question de la parole inscrite dans un espace, la question du cinéma dans son essence même, la question du texte littéraire ; mais disons que ce film n'apportera rien de plus au moulin de Straub, qui ne se force pas beaucoup avec ce nouvel opus qui ressemble à tout ce qu'il a fait depuis la mort de son épouse. Beau, mais chiant. Mais beau. Mais chiant.

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Tout Straub et tout Huillet, ô douleur : cliquez

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