Body and Soul (1925) de Oscar Micheaux
Paul Robeson, définitivement au centre de cette oeuvre, joue le double rôle d'un révérend diabolique et de son frère Sylvestre angélique. Ils sont amoureux de la même femme, l'un qui souhaite la posséder par la force, l'autre par le flirt ; la donzelle, Isabelle, est loin d'être belle mais elle n'est pas sotte : elle veut forcément offrir son cœur au second... seulement voilà, sa matrone de mère la verrait mieux avec ce si charismatique révérend. Ça sent le drame.
Voilà un révérend, un prêcheur, comme on les aime : alcoolique, ancien convict, violent, vénal, sans foi ni loi ; Robeson (et ses faux airs de Karl Lewis - normal il bondit sur tout jupon qui passe sous yeux) a le sourire enjôleur de Méphistophélès et connaît son potentiel de charme auprès des dames - des dames bien naïves et aveugles car il ne faut pas être grand clerc pour comprendre ou savoir que le gars est une fraude totale - un passé derrière les barreau et une haleine de taureau macéré dans la sangria ; notre homme est un vrai cochon qui, apprendra-t-on lors de deux flashes-back couillus, violera Isabelle et violentera sa pauvre proie pour piquer les économies de la madre. Beau portrait d'un vrai salaud, un violent à l'image de la tempête qui s'abat sur lui et Isa lors d'une petite balade en carriole (jolis plans sur la douce en serviette (elle fait sécher ses vêtements) et sur les pieds du révérend qui pénètre subrepticement dans la pièce avant de), un violent qui n’hésite pas à torturer les femmes pour savoir où se trouvent quelques billets (entre les pages de la Bible : mais que fait le Seigneur, bordel ?) ; deux séquences qui nous sortent un peu de notre torpeur, avouons-le, car il y a beaucoup de scènes de simples "expositions" (le révérend et la bouteille, le révérend et ses amis aussi foireux que lui, la mère d'Isabelle et ses discussions infinies avec les cul-bénies de l'église...) ; même si le montage est assez dynamique, même si Robeson attire toute la lumière (ce sourire carnassier, tout de même), même si la musique jazzy de cette version restaurée fait le taff, on reste un peu simple "spectateur" de cette histoire diablement manichéenne. Une scène sur la fin particulièrement violente (et un peu gratuite), une ultime petite pirouette scénaristique (méchamment tirée par les cheveux), ne changent pas vraiment notre impression générale : un Robeson au top, deux ou trois séquences un peu punchy, mais un film qui ne nous possède jamais complétement corps et âme. Mais cela ne nous empêchera pas de suivre la carrière du Paul.