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15 juin 2018

Domestic Violence 2 de Frederick Wiseman - 2002

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Petit tour en enfer tome 2. Wiseman quitte le foyer d'accueil des femmes battues pour s'enfermer cette fois dans un tribunal spécialisé dans les affaires de violence conjugale. Autrement dit : après les victimes, voici les coupables. On voit défiler une pleiade de couples, madame ayant porté plainte contre monsieur qui tente de se justifier ou de minimiser le truc (on entend sans arrêt la fameuse phrase : "Je suis pas un violent, j'ai jamais levé la main sur elle... Là, je l'ai juste poussé, j'avais bu", ce genre de choses), madame prostrée dans la peur et la culpabilité d'avoir incriminé monsieur qui se drape dans sa dignité de mâle blessé. Le nombre de cas témoigne de l'état catastrophique des rapports de couple dans l'Amérique (dans le monde ?) moderne ; la répétition triste des mêmes situations, des mêmes dialogues, des mêmes fins de non-recevoir, des mêmes impasses, pointe la sorte de fatalité qui s'abat sur la condition féminine éternellement dominée. Le film est affreux, autant le dire, parce qu'on y voit des hommes convaincus de leur innocence, et des femmes prêtes à pardonner, à retirer leur plainte, à retourner se faire cogner, par peur, par lassitude, par crainte de l'avenir ; et ce, pendant 2h45.

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Face à ces gens, Wiseman filme des juges, tour à tour inflexibles jusqu'à l'insensibilté, empathiques, justes, effondrés devant l'inanité de leur tâche. Il se met toujours à hauteur d'homme, tente de comprendre chacun des cas, et surtout le sous-texte qui tend ces situations : qui domine qui dans ce couple ? que s'est-il réellement passé ce soir-là ? Les témoins mentent à tour de bras, sans aucun scrupule, surtout quand il s'agit de charger leur épouse déjà affaiblie, ou la bonne âme venue porter secours (le cas le plus aberrant : un couple de rednecks monstrueux chargé de haine envers la voisine qui les a aidés). Le pire, c'est que cette violence semble toucher toutes les classes de la société, et on voit parfois un couple éduqué passer devant le juge, la plupart du temps pour un verre de trop et une gifle qui part. Comme pour le premier opus, peut-être même encore plus, Wiseman échoue ce coup-ci à exprimer son sujet de façon physique : la parole est là, passionnante, présente en tant que vecteur social, en tant que piège, en tant que modèle de classe, mais les corps sont absents, ce qui, pour un sujet sur la violence physique, est un peu dommage. C'est la seule limite que je trouve à ce film, sinon absolument honnête, témoin tourmenté d'un état de fait terrible, très radical dans sa forme (un filmage très sobre, presque transparent), profond dans ce qu'il montre. Quand il se termine, par ces quelques plans muets sur la ville pavillonnaire qui renferme certainement ses monstruosités sous le calme apparent, on souffle un grand coup, comme si on avait traversé la chose en apnée. Et pour une fois, on ne demande pas à bobonne de nous amener une bière, on va se la servir tout seul.

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