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8 juin 2018

Pat Garrett et Billy le Kid (Pat Garrett and Billy the Kid) de Sam Peckinpah - 1973

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Ce salopard de Peckinpah met son point d'honneur à déjouer les attentes du public, et réalise, plutôt qu'un western violent et sanglant, une oeuvre crépusculaire assez poétique, dont les thème principaux sont l'amitié et la fuite du temps. On cherchera en vain les pics quasi-gore de La Horde sauvage dans ce film qui se permet d'être souvent lent et contemplatif, qui essaime ses fusillades au compte-goutte et préfère filmer les sentiments feutrés entre Pat Garrett, ex-hors la loi désormais en charge de la protection du comté de Lincoln, et Billy le Kid, adolescent toujours un pied dans le grand Ouest du passé, qui s'y trouve justement, à Lincoln, et y sème meurtre, désolation et gabegie. Garrett tente de convaincre son ex-ami de quitter pacifiquement la région, mais Billy fait le fier, résiste, et dès lors le combat est engagé. C'est l'aspect le plus attachant de ce film : c'est une lutte entre deux amis, entre deux frères qui à un moment de leur vie ont choisi des côtés opposés de la barrière : la loi, l'ordre, le monde moderne pour Garrett, quitte à se renier lui-même ; l'anarchie, le grand air, l'ancien monde pour Billy, quitte à terminer six pieds sous terre. Si ce western est crépusculaire, comme on dit, il l'est aussi dans ce qu'il raconte : le Far-West, c'est terminé, ceux qui ne le comprennent pas sont indésirables, the times they are-a changin.

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Puisqu'on en parle, c'est Bob Dylan (meilleur compositeur qu'acteur, de toute évidence) qui a en charge la BO du film, et ce qu'il en fait est étonnant : il charge le genre d'ordinaire classique d'un ton pop qui dans un premier temps surprend, puis finit par convaincre. Ses chansons sentimentales sont parfaites pour doper la poésie gracieuse du film ("Knockin' on Heaven's door" sur l'image de cette femme un peu hommasse qui pleure), ses morceaux musicaux sont à cheval sur un classicisme rigoureux et un côté moderne qui font beaucoup pour l'atmosphère entre chien et loup du scénario. La mise en scène de Peckinpah, volontiers crépusculaire, accentue elle cette tristesse latente des personnages. Ils ont beau s'amuser et faire les malins, reproduire sagement le codes virils de l'Ouest, et tirer plus vite que leur ombre, ils ne trompent plus grand monde, ils appartiennent à un monde qui disparaît, et leurs luttes sont les derniers feux d'une civilisation fratricide presque morte. Peckinpah, très rigoureux dans le dessin de ses personnages, évite tout manichéisme : ni l'un ni l'autre ne sont bons ou mauvais, mais tous deux sont victimes de ce changement d'époque, de ce désenchantement ambiant.

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Le film n'est certes pas parfait, se perd parfois dans des petites trames parallèles inutiles, est victime d'un montage assez bancal (une longue histoire douloureuse de director's cut refusé), et de personnages parfois incompréhensibles (Bob Dylan). Les acteurs sont pas mal, mais manquent l'un et l'autre de ce côté glamour qu'il aurait fallu pour entrer vraiment dans la légende : Coburn n'a pas la classe des grands, malgré son charisme et sa force ; Kristofferson a l'air un peu vieux pour le rôle, et manque lui aussi de photogénie. Mais ces défauts n'effacent pas l'émotion profonde de ces petits personnages perdus dans la grand tourbillon de l'Histoire, de ces moments simples de confrontation presque bienveillante entre Garrett et Billy, de ces longues plages de pause où les personnages ont le temps d'exister... Un bien beau film.

Welcome to New West

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