Le Tueur au Visage d'ange (The Fiend who walked the West) de Gordon Douglas - 1958
Voilà un western étrange, à cheval sur la tradition et sur le cinéma psy moderne, une sorte de Psycho en éperons si vous voulez. Dans un noir et blanc un poil prétentieux et pas trop adapté à la chose, mais qui a au moins le mérite d'implanter le film dans un genre parallèle (le noir), Douglas raconte la difficile existence de Daniel Hardy, hors-la-loi mais gentil quand même, qui se retrouve bêtement à purger 10 années de bagne pour hold-up et refus de dénoncer ses complices. Il compte bien que ceux-ci vont filer sa part à son épouse éplorée restée seule et enceinte, mais que tchi : il lui faut bien se rendre à l'évidence, il s'est fait entuber. C'est alors qu'intervient le personnage torve du film, celui qui va faire basculer ce western classique vers des rivages plus freudiens, celui qui va amener la modernité nécessaire au film : Felix Griffin, son compagnon de cellule. Celui-ci, tel le Mitchum moyen, de petit personnage sans envergure va devenir le monstre omnipotent de l'histoire : à sa sortie, il va littéralement envahir l'existence de Daniel, bousiller ses complices, voler son fric, harceler sa femme, se transformant en nid de névroses et de pulsions. C'est la véritable trouvaille du film : obsédé par un père dont on devine qu'il le frappait, littéralement furieux dès qu'il reçoit une gifle, veule et audacieux en même temps, brutal et sadique avec les femmes, suave comme une hyène et dangereux comme une tique, le personnage est parfait, et on rêve d'un James Dean pour l"interpréter. Il faudra se contenter de Robert Evans, qui s'en tire plus que bien avec sa voix de canard et ses manières d'aristocrate, il amène une vraie noirceur à ce film qui, sans lui, aurait été un peu fade (Hugh O'Brian en héros tourmenté est bien moins convaincant).
On s'intéressera donc beaucoup plus au méchant qu'au gentil ou aux mille petits détails redondants de la trame. Il faut dire qu'à part lui, le film est bien peu captivant : beaucoup trop bavard, plein de scènes interminables et répétitives de dialogues, il n'arrive jamais à rendre visuels les concepts psy qui semblent passionner Douglas. Le dernier tiers, notamment, qui devrait envoyer du bois, est gâché par ces scènes explicatives de duel verbal entre les deux protagonistes. On apprécie la profonde noirceur du vilain, notamment avec cette gonzesse asservie et maltraitée qu'il torture littéralement ; et le jeu physique et en même temps assez cérébral de Evans est parfait. Mais les amoureux du western grand crin réclameront à grands cris un peu d'action et un peu moins de parlote. Du coup, ça manque cruellement de rythme, de tension (malgré la grande brutalité de certaines séquences) ; peut-être que, le cul entre deux chaises, Douglas n'arrive jamais à assumer ni le divertissement ni la profondeur et reste au milieu, comme en atteste la bizarre musique qu'on croirait issue d'un film d'épouvante du bazar. Bon, un bizarre objet de cinéphilie, tout borgnole mais intéressant.