Violence à Jéricho (Rough Night in Jericho) d'Arnold Laven - 1967
Heureusement que Arnold Laven a un scénario et des acteurs suffisamment intéressants, parce qu'on ne peut pas vraiment dire que le gusse brille particulièrement pour filmer cette histoire. Malgré tout, on passe un moment pas désagréable avec ce western tardif, un peu à cheval cela dit entre la tradition et la modernité, et cherchant son style pendant 1h36. Le scénario, donc, est pas mal du tout, privilégiant des personnages assez complexes. Notamment le principal, Alex Flood, campé par un Dean Martin vieillissant et très convaincant en salopard : le gars fut jadis le sauveur de la petite ville de Jericho, mais sa mégalomanie et sa soif de pouvoir l'ont conduit peu à peu sur la voie du mal. Il possède désormais 51% de toute la ville, et fait régner la terreur et la justice expéditive sur tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. Tous ? non. Il reste une poche de rébellion en la personne de Molly Lang (les rides naissantes siéent particulièrement bien à la fantastique Jean Simmons, qui fait la moitié du charme du film), qui campe ferme sur sa résolution de ne rien lâcher de son entreprise de diligences à l'immonde Flood. Débarque dans la bourgade Dolan (George Peppard, physique pas simple mais présence forte), ancien shérif reconverti en joueur de poker : d'abord rétif à l'idée de semer la pagaille en ville, il va peu à peu, devant les beaux yeux de Molly, armer quelques bonnes âmes et régler son compte à Dean et ses sbires.
Récit classique, mais dopé par des personnages épais, notamment ce fameux Flood. Dean Martin le joue à moitié sérieusement, c'est vrai, mais le gars est intéressant, semblant torturé par son attirance vers le mal, encore ancré dans l'admiration qu'il voue au bien. Le petit sourire qu'il a quand il passe l'arme à gauche est tout d'ambiguité. Il est entouré par de solides salopards bien crapuleux, qui vous pendent un homme comme ils sellent leurs chevaux et manient le fouet comme Shang le verre à pastis. Le film est assez violent et frontal, on sent que le western appartient désormais à un genre qui se doit de surenchérir, de coller à l'esthétique italienne, de se mettre au niveau de Peckinpah : la bagarre entre l'homme au fouet et le héros est brutale, même si Laven en gâche beaucoup d'effets par un sens du montage dans les chaussettes. Dans Rough Night in Jericho, les morts tombent sans falbala, tout droits, et n'ont pas le temps de lâcher une phrase historique dans un dernier soupir. La très jolie fin, une bobine de silence complet, convainc qu'on est là dans un western épuré et presque abstrait (bon traitement de la musique, par ailleurs, ou plutôt du silence : le gars sait quand il faut l'utiliser). Certains costumes, notamment le long imper porté par le légendaire John McIntire, rentrent dans cet effort de modernité, de graphisme. Ces grandes qualités font oublier les défauts de la chose : mise en scène anonyme, rythme hésitant, montage affreux, interprétation inégale des seconds rôles, usure de la trame... Un bon moment au final.