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Shangols
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13 février 2018

3 Billboards : Les Panneaux de la Vengeance (Three Billboards Outside Ebbing, Missouri) (2018) de Martin McDonagh

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On avait déjà souligné un certain potentiel chez McDonagh dans le brouillon Bons Baisers de Bruges ; si j'avais pour ma part souligné des influences tarantiniennes, l'ami Gols avait évoqué une tendance coenienne. Avouons qu'il n'avait pas tort, tant cette œuvre respire l'influence des frères, et ce pas uniquement par la présence hantée de Frances McDormand. Intrigue policière travaillée, personnages jamais tout blanc, jamais complétement noirs, insidieuse morale (c'est bien gentil l'esprit de vengeance mais ça n'amène jamais que plus de merdes...), le cinéaste marque des points avec ce film qui nous tient en haleine de bout en bout en sachant constamment savamment nous surprendre (cela faisait bien longtemps que je n’avais pas dit du bien d’un film ricain, d'où joie et un brin d'exagération).

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Frances veut un coupable. Depuis sept mois que sa fille est morte (violée puis calcinée), l'enquête n'a pas avancé. Elle provoque donc le chef de la police (l'incontournable Woody Harrelson) en louant trois panneaux publicitaires géants à la sortie de la ville pour l'interroger sur ce statu quo. Une provocation qui ne tarde pas à évoquer une certaine émotion en ville, d'autant que le pauvre Woody est atteint d'un cancer - dans sa phase terminale. Frances, elle, s'en tape, elle veut juste que justice soit faite. Le ton ne tarde pas à monter entre les deux clans (Frances vs la police feat. guests) et comme dirait Kad Merad dans Je vais bien ne t'en fais pas, c'est (rapidement) l'escalade. Passage à tabac, suicide, incendie, la petite ville d'Ebbing risque bien de finir à feu et à sang...

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Des personnages solidement campés, disais-je (la digne Frances qui n'hésite jamais à passer à l'acte, un Woody emmerdé qui tente de donner le change, un flicaillon incontrôlable qui a tout de même un coeur, un nain avec une certaine grandeur d'âme (l'excellent Peter Dinklage)...), des situations imprévisibles qui dégénèrent souvent violemment (le dentiste de Frances aurait mieux fait de fermer sa gueule) ou qui tendent vers l’absurde (les deux ennemis qui se retrouvent dans la même chambre d’hôpital) et un engrenage qui se met dangereusement en route. L'une des meilleures séquences qui résume à elle-seule tout le film (et l'état dégénérescent de l'Amérique actuelle ?) est celle où le pauvre Woody, interrogeant Frances, lui crache involontairement (le cancer...) du sang à la figure... On sent dans cette scène tendue, où chacun défend bec et ongle sa position, toute la matrice du film : si chacun suit sa propre logique vengeresse, personne n'en sortira indemne : le bain de sang est inévitable ; comme toute sagesse, toute compassion, toute tolérance (Frances n'est pas non plus toute rose, notamment avec notre ami le nain...) semble avoir déserté cette Amérique-là, sans un minimum de sang-froid, on risque bien d’aller droit dans le mur mes agneaux. McDonagh, avec sa galerie de personnages, ses multiples rebondissements, sa capacité à jouer dans le registre le plus sombre tout en emmaillant les scènes d'un certain humour à froid (l'originale petite discussion entre les deux chaussons de Frances : mignon et osé), gagne ses galons de cinéaste avec cette œuvre beaucoup plus maîtrisée et finaude que son premier long-métrage. Un concurrent certain pour les Oscars, à n'en point douter, ne serait-ce que pour rendre hommage au crétinisme dangereux de Trump, héros de cette Amérique (même si Spielberg a déjà choppé le sujet qu'il fallait pour être favori cette année...).  (Shang - 17/01/18)

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Pas très convaincu, loin de là, par ce film qui sent la fabrique et l'école d'écriture par tous les bouts. Dès le départ, avec la mise en place de ces panneaux et le chaos qu'ils vont déclencher en ville, on sent un peu le problème : la vraisemblance n'y est pas. Chacun des personnages de cette communauté est un cas, un doux dingue joué bien entendu par un acteur à gueule, qui ne semble engagé que pour la douce folie un peu décalée qu'il va déployer. Le scénario va ainsi se balader de coïncidences extraordinaires (un flic qui se retrouve dans la chambre d'hôpital du type qui l'a défenestré, un violeur découvert au hasard d'un bar pile au bon moment) en à-peu-près bien pratiques, développant un réseau de personnages et de situations trop rigolos et attachants pour être crédibles. Autant le dire, j'ai détesté la direction d'acteurs, malgré le casting trois étoiles : McDormand en fait des tonnes dans son personnage de femme rigide figée dans son désir de vengeance, Harrelson fait clairement son malin, et surtout Sam Rockwell réinvente le terme de cabotinage avec son flic raciste et abruti qui se découvre une âme de justicier. Pris dans cet univers grand-guignolesque et grimaçant, le film a beaucoup de mal à s'extraire d'un savoir-faire un peu facile, donnant au public sa dose régulière de "wouaouh" et de "non ?..." avec beaucoup trop d'artificialité, et peinant à trouver réellement son ton, entre comédie acerbe et drame. Les Coen, oui, comme référence, mais eux savent au moins mieux gérer l'écriture. Entièrement à la merci de son efficacité et de ses acteurs, 3 Billboards oublie au passage de faire de la mise en scène : je l'ai trouvée très plate, entièrement organisée autour des minauderies de ses trois acteurs principaux, oubliant de montrer la communauté autour, uniquement soucieux de raconter coûte que coûte son histoire extravagante : on a quand même là-dedans un suicide, deux incendies criminels, un mari violent, une défenestration, une agression à la roulette de dentiste, une bagarre de bar, une rédemption, le tout en deux heures de temps. Certes, on en a pour nos 6 euros d'entrée, mais trop c'est trop, on décroche bien vite de cette trame fabriquée, et on se contente d'ouvrir un oeil sur telle scène plus réussie (la séquence avec le nain, effectivement très jolie) ou sur un détail (qui a trouvé le costume de McDormand ? sans déconner, c'est abusé). L'école des forts en thème qui ont eu des bonnes notes en cours de narration fictionnelle, très peu pour moi.   (Gols - 13/02/18)

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Commentaires
J
Tout à fait d'accord avec Gols.<br /> <br /> Shang a encore tout faux !
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C
C'est Gols qui a raison et je le trouve trop aimable. Ce film est un mélodrame grossier qui ne fait qu'accumuler les péripéties : dans la première partie au moins, c'est un déluge de violence verbale et physique (c'est mouvementé, les petites villes du Sud) complaisante, insistante, voyante et le film nous écrase la figure dedans. Les coïncidences sont parfaitement grotesques. Un des policiers dit à Rockwell : "Passe la nuit rendre tes clés et ton badge (et c'est pas grave si tu peux pas fermer en sortant, il n'y a pas d'informations confidentielles dans un commissariat de police)". Je me suis dit tout de suite, avec une idée aussi débile, il va se passer quelque chose. La nuit en question, il a des écouteurs, donc il ne sort qu'au QUATRIEME cocktail Molotov, c'est bien connu qu'un incendie dans une pièce ne change ni la luminosité, ni le mouvement de l'air, ni la température. Ah oui mais sinon il n'aurait pas été gravement brûlé. En outre c'est évidemment avec le dossier d'Angela Hayes que sort Rockwell pour le jeter aux pieds de sa mère dans la rue. Il est emmené dans la seule chambre libre d'hôpital de la ville (sans doute à cause de toute la violence qui y règne) et il se retrouve tout naturellement avec l'homme qu'il a voulu tuer, ce qui lui permettra de découvrir la bonté en cinq minutes grâce à un verre de jus d'orange.<br /> <br /> <br /> <br /> L'écriture n'est pas en reste : le scénario donne strictement TOUJOURS le dernier à Frances McDormand dans les affrontements verbaux, donc pas besoin de compter les points, on sait qui va gagner. Elle ne connaît donc jamais le doute et le film l'absout gentiment de sa violence. C'en est porté à un point ridicule : l'agression verbale du prêtre repose sur une argumentation très foireuse qui fait douter de l'intelligence de tout le monde, à commencer par les scénaristes et le metteur en scène. C'est encore plus facile avec un perso comme Rockwell écrit pour être plus idiot que Perceval puissance Karadoc. Le spectateur est convié à jouir de la violence verbale exercée par Mildred contre la terre entière un peu comme le blockbuster hollywoodien l'invite à jouir de la violence physique mais est-ce moins primaire ? Le personnage de Woody Harrelson est complexe aussi : il est juste parfait, comme d'habitude pour les persos sur le point de crever pathétiquement d'une maladie incurable et même son suicide est d'une irréprochable dignité (il épargne la vue du sang à sa famille). Le pompon est celui de l'extra-terrestre Rozwell : flic incompétent, violent et raciste au début du film, il est guéri de tout cela en trois semaines, comme quoi la violence a du bon. Le film se réfugie vraiment dans un imaginaire crétin : jamais finalement il ne parlera du racisme comme il fait semblant de le faire à un moment et ce perso est trop extrême pour représenter qui que ce soit du Sud. Aucune satire sociale là-dedans et le film rejoint parfaitement les frères Coen (quoique certains en disent) sur leur regard méprisant et facile sur leurs personnages.<br /> <br /> <br /> <br /> La mise en scène est elle aussi assez insignifiante. Les affrontements ne sont filmés qu'en champs/contre-champs, pas de plans larges pour laisser la composition visuelle donner de la force aux échanges. Les plans avec un personnage (seul ou important) sont cependant plus larges que dans une série télé mais cela ne donne pas lieu à une quelconque recherche visuelle. Comme manifestement aujourd'hui tout film américain ambitieux doit comporter un plan-séquence, il y en a un, qui ne fait qu'écraser le spectateur dans la violence sans aucune distance et sert surtout à montrer que la défenestration n'est pas truquée, c'était en effet indispensable.<br /> <br /> <br /> <br /> Nul et débile.
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P
"film qui sent la fabrique et l'école d'écriture par tous les bouts"<br /> <br /> <br /> <br /> Voila qui est dit. <br /> <br /> On se contentera de quelques petits éclats de mise en scène sans esbrouffe, comme cette petite toux pleine de sang qui conclut l'interrogatoire (péniblement écrit) de McDormand. <br /> <br /> Après, c'est un petit film de communauté, et meme si on est pas chez Hawks, on finit quand meme bien installé parmi ces personnages faussement complexes et mal dirigés, mais étonnamment bien habités sur la durée par tous ces comédiens formidables.
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C
Paris vu par... (suite)<br /> <br /> <br /> <br /> Michel Hazanavicius sortant cet après-midi de "Vera Cruz" à l'Action Christine, en compagnie de son petit garçon. <br /> <br /> Sympa, un papa qui nourrit son petit de beaux films.
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P
Non ? Rappelez-vous dans Barton Fink ces voyages de l'objectif dans les tuyaux du lavabo de Turturro (ça démarre dans la bonde et ça descend, ça descend, façon non pas plombier polonais, plutôt bouchée mal mâchée dans un oesophage envahi de remontées acides... <br /> <br /> Les fisheyes, dans Big Lebowski et dans Ladykillers, ouais, t'as raison jacques d., c'est un vrai bonus de les oublier.
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