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16 janvier 2018

Une Nuit à l'opéra (A Night at the Opera) de Sam Wood - 1935

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Ce qu'il y a de formidable avec les films des Marx Brothers, c'est qu'ils n'ont besoin de rien : ni de metteur en scène, ni de scénario, ni d'histoire, ni même d'exigence technique particulière. Importent seulement la simple présence des frangins, le nombre de vannes à la minute que Groucho est capable de balancer, le nombre de grimaces impayables que Harpo peut amener simultanément sur son visage, le nombre d'âneries que peut énoncer Chico par scène. Une Nuit à l'opéra est donc assez emblématique de leur façon d'envisager le cinéma : on réunit quelques punch-lines et quelques situations improbables, on réunit ça dans un pseudo-scénar, on engage un anonyme pour placer sa caméra au bon endroit au bon moment, et le tour est joué. Peu importe que ce soit Sam Wood ou Georges Untel qui réalise, son travail ne se voit pas à l'écran. Par contre la présence sur-envahissante de Groucho fera tout le sel du film. Le bougre, c'est vrai, s'en donne à coeur joie : il ne doit pas y avoir une seule réplique banale dans ce film, le gars est en sur-régime pour balancer du calembour, du contre-sens, de l'absurdité et de l'irrévérence sur un rythme frénétique. Le personnage, un profiteur capable de bouffer à tous les râteliers, dragueur par intérêt, adepte de l'opéra comme moi de la ligue 2, est foncièrement antipathique ; pourtant, Groucho renverse le regard qu'on porte sur son personnage : on l'adore, et on attend sans arrêt sa prochaine saillie, la plupart du temps impertinente, égoïste et malpolie, avec un bonheur total. Un mélange d'érudition (ses jeux de mots sont complexes, souvent intraduisibles d'ailleurs) et de régression (son plus grand plaisir est de troubler l'ordre bien établi d'un spectacle d'opéra, de voir jusqu'où on peut remplir une cabine de bateau étroite, ou de scandaliser la grosse dondon de service). Il joue comme un pied, autant le dire, et il est génial : toujours à distance de son rôle, toujours dans une sorte de méta-humour qui n'oublie jamais qu'il est avant tout au spectacle, il fait rouler ses yeux globuleux en hurlant des bêtises, et on applaudit. Le film est une entreprise de destruction du politiquement correct, représenté ici par l'opéra, de perversion du système par la farce : le fond de commerce des Marx, mais qui trouve ici une sorte de paroxysme.

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Il faut dire que le spectateur en a pour son argent. A côté de l'humour assez savant de Groucho, on voit deux types d'humour se développer : Harpo est en charge de la partie burlesque, lui aussi joue comme une patate et lui aussi est génial. Hystérique, il représente l'enfant dans un monde d'adultes, qui ne peut résister à se coucher dans le plat ou à appuyer sur un klaxon rien que pour voir ce qui va se passer. Curieux contraste d'ailleurs, quand ce pitre incontrôlable nous sort son habituel morceau de harpe : la délicatesse de l'instrument tranche vraiment avec ses acrobaties faussement maladroites. C'est lui qui se taille la part du lion dans le final, une poursuite à la verticale dans les cintres et rideaux du théâtre, vrai numéro d'équilibriste au cours duquel il n'oublie jamais de balancer la petite grimace qu'il faut ou le "pouet-pouet" qui va déranger la représentation. Enfin, Chico est plus difficile à situer : c'est à la rigueur le plus sérieux des trois, c'est lui qui fait le lien scénaristique avec les seconds rôles (tous anecdotiques), mais on lui octroie pourtant quelques morceaux de bravoure, notamment un monologue très marrant où il est censé raconter une expédition en avion qu'il n'a jamais faite ("nous avions parcouru la moitié du chemin quand nous nous sommes aperçus que nous avions oublié l'avion"), ou un numéro de pianiste assez virtuose. Un comique plus discret, doté d'une personnalité moins anarchique (il peut même ressentir l'amour), mais qui fait le lien entre les deux comiques antinomique de ses frères. Les trois rassemblés donnent une sorte de spectacle total, et malgré la mièvrerie de la trame principale, malgré l'anonymat de la mise en scène, malgré un défilé d'acteurs faire-valoir à leur côté, on se marre franchement pendant 1h30.

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