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29 janvier 2018

Faute d'Amour (Nelyubov) (2017) de Andrei Zvyagintsev

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Voilà un film qui met de la joie au cœur en ces périodes de fête, parbleu ! Zvyagintsev, tout en soignant ses images, semble oublier son esthétisme parfois un peu trop léché par le passé pour nous livrer un film rude, rugueux, âpre, russe... Une mère, un père divorcent. Chacun semble avoir retrouvé chaussure à son pied (elle un type entre deux âges très sage, sportif et taiseux, lui une jeune femme qu'il a déjà vite engrossée), baise, s'oublie... Mais oublie aussi leur fils qui, devant les propos désolants de ses parents (ah ben si tu veux la garde, vas-y, non non après toi...), fugue, disparaît... Les deux, qui ne vivent désormais plus ensemble et qui ont mis 48 heures à s'apercevoir de l’absence de leur progéniture, partent à sa recherche aidés en cela d'un groupe de bénévoles motivés (ouais parce que les flics, ils ont d'autres chats à fouetter). Qu'une petite affaire d'un jour ou deux ? Pensez-vous, le gamin, malgré les multiples pistes suivies, demeure introuvable... Une piste semble enfin plus fiable… celle de la morgue. Ambiance.

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Le cinéaste ne fait rien pour rendre ses personnages aimables, l'un comme l'autre des parents semblant avoir voulu tourner la page après des années de marasme, ne laissant derrière eux qu'un nuage de haine. On se demande rapidement ce que leur nouveau couple leur apporte réellement (bien qu'ils n'osent l'admettre, ils sont un peu tous les deux retombés sur le même "modèle") si ce n'est qu'ils font semblant d'y croire. Et baisent. Dès le départ, on voit bien que le pauvre gamin est mal aimé et qu'on aurait tout comme lui, à entendre les propos de ses enfoirés de géniteurs, fait une fugue – enfin, s'il ne faisait pas si froid... Le film est dur sur tous les plans, aussi bien politique (les flics laissent volontiers la main à ce groupe de bénévoles spécialisés dans les disparitions) que relationnel (même dans l'adversité, l'ex-femme et l'ex-mari se haïssent... Quant à leur nouveau partenaire, à part au lit, cela sent méchamment la tristesse). Le décor (magnifique... mais gelé) qui ouvre et clôt joliment le film semble être le parfait témoin... glaçant de ce qui se déroule sous ses yeux. Le groupe de bénévoles (avec l'aide des parents - eux-mêmes perdus) a beau sillonner en tous sens forêt et bâtiment abandonné, maigres sont les indices qui les mettent sur la voie de ce pauvre gamin en fuite. On ravale plus d'une fois sa salive devant ce film rêche, désertique sentimentalement, impressionné malgré tout par la rigueur de Zvyagintsev pour dérouler sa petite mécanique de l'horreur affective. On espère un éclat, une lumière, un signe d'optimisme mais on restera jusqu'au bout suspendu à notre attente, ressentant le même sentiment d’abandon que ce bout de bois jeté en l'air dans un arbre en début de film (comme un signal jamais perçu). Le joli titre français peut aisément se comprendre dans des sens multiples (absence d'amour, erreurs commises irréparables...), les deux parents devant payer jusqu'au bout leur "aveuglément". Très "beau" film plombant, joyeux noël Andrei...   (Shang - 24/12/17)

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Difficile d'aimer complètement ce film, qui ne fait effectivement rien pour l'être, et l'admiration indéniable qu'on lui porte reste intellectuelle. Peu d'émotion dans ce film fermé par tous les bouts, où chacun est renvoyé à sa pauvre vanité, ses pauvres rancoeurs, sa pauvre vie minable. Zvyagintsev en rajoute plus d'une louche dans la froideur totale de son histoire, ne laissant jamais percer l'émotion, avec une sorte de distance glaciale, et on pense souvent aux premiers Haneke (en plus esthétique) dans cette façon de nous mettre le nez dedans, et de nous donner presque une leçon de morale style règle sur les doigts : bande de salopards, arrêtez de mater votre portable à longueur de journée et de ne vous occuper que de votre propre petite vie de merde, levez les yeux et regardez autour de vous, la jeunesse se meurt de votre indifférence, genre. Un moralisme sain mais parfois un peu gratuit, convoqué dans deux plans audacieux : l'un sur la toute fin, quand la femme du couple lève les yeux vers la caméra pour nous fixer d'un air sévère (je crois que le regard-caméra est définitivement la forme grammaticale la plus difficile à manier), plan assez dégueulasse ; et, beaucoup plus réussie, cette curieuse séquence que personne ne semble avoir relevée, dans le premier quart du film : une fille rentre dans un resto et est arrêtée par une voix off (celle du cinéaste, devine-t-on) qui lui demande son numéro de téléphone. Une scène complètement déconnectée de l'histoire, aberrante, qui est une vraie ingérence du cinéaste dans son film, et qui annonce une subjectivité totale : on est dans un film, le regard porté sur cette histoire est celle de Zvyagintsev, et on nous demande de la distance par rapport à ce qu'on voit, 10 secondes qui en disent beaucoup sur ce qu'on est en train de regarder.

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Le film est formellement superbe, rythmé au petit poil, souvent surprenant. Ces parents indignes, ballottés comme des pantins indifférents par le groupe de recherche et par les flics, par les épreuves par lesquelles on les fait passer (la scène de la morgue, très belle, les recherches dans les caves et les forêts), traversent le film presque hébété, avec en non-dit la terrible vérité : la disparition de leur enfant est presque une bénédiction, pour eux qui cherchaient à s'en débarrasser pour refaire leur vie. Ce fait n'est jamais prononcé, mais circule dans chacune de leurs réactions. Ça donne un côté implacable au film, un côté désespéré qui marque vraiment des points, et finit par rendre intéressantes ces scènes pourtant complètement dénuées d'affect, ou même d'événements. Trop froid pour vraiment toucher, mais fascinant dans son pouvoir de provoquer le malaise.   (Gols - 29/01/18)

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