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4 décembre 2017

Within Our Gates d'Oscar Micheaux - 1920

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Je découvre l'existence d'Oscar Micheaux, homme précieux s'il en fût puisqu'il fût le premier Afro-Américain à oser tourner des films, et qu'il le fit en plus pour défendre la cause noire dès les années 20. Voici donc le premier film (encore trouvable) réalisé par un Noir, joué par des vrais Noirs et non par des Blancs maquillés, ce qui en constitue une vraie curiosité. Bien, une fois qu'on a dit ça, la critique est presque terminée, mais tentons, si vous le voulez bien, d'aller un peu plus loin. Le film est très médiocre dans sa réalisation : les trois-quarts sont constitués d'intertitres souvent très longs, redondants et inutiles, les images placées entre étant de courts plans fixes illustrant le texte. Les acteurs sont moyens, aucune imagination de mise en scène (ce qui était le cas de 90% des films de l'époque, hein, je ne dis pas), du travail sans effort. A peine peut-on relever un montage assez habile dans la deuxième partie, dans les alternances entre gros plans et plans d'ensemble, ou dans l'utilisation du hors-champ pour cacher des éléments de violence (les mettant d'autant plus en valeur, bien sûr). Mais côté scénario et "fond" du film, on peut trouver de quoi se rassasier, et c'est même aberrant de voir Micheaux y aller ainsi au bulldozer dans la bien-pensance raciste de l'époque. Partant au départ d'une bluette mélodramatique classique, le film évolue vers la lutte sociale et l'indignation : une femme trahie sur un malentendu par l'homme qu'elle doit épouser, se tourne alors vers l'amour de son prochain et décide de sillonner le pays à la recherche de fonds pour soutenir une école pour les Noirs située dans le sud des Etats-Unis. Elle se heurtera aux a priori dégueulasses de quelques-uns, et trouvera enfin une bonne âme en la personne d'une riche bienfaitrice un peu plus ouverte que les autres. Elle dénichera aussi l'amour chez un médecin, mais surtout elle aura l'occasion de faire le jour sur son passé douloureux dans l'Amérique suprémaciste de la fin du XIXème. Si la partie romance ennuie complètement, on appréciera la deuxième partie, qui s'attaque avec courage au racisme encore très fort à l'époque (qu'on pense aux films de Griffith, notamment Naissance d'une Nation, qui date de quelques années plus tôt, et auquel ce film peut apparaître comme une réponse indignée).

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Le flash-back sur l'enfance de Sylvia est un grand moment, avec cette scène de lynchage frontale, à peine maquillée sous la pudeur du hors-champ : certes, on ne voit la pendaison du couple qu'à travers des cordes qu'on tend et qu'on coupe, mais Micheaux a très subtilement placé avant un plan de "rêve" où un autre personage est pendu, et on imagine très bien que le même sort a été réservé aux parents. Il y a aussi une impressionnante séquence de viol d'un Blanc sur une Noire, qui renvoie définitivement les tenants d'une race pure et chrétienne dans les cordes, très belle scène violente et fiévreuse. On pourrait penser que Micheaux est caricatural et manichéen dans son combat pour la reconnaissance de la cause noire ; que nenni : très subtilement, avec une mesure qui lui fait honneur, il pointe aussi les faiblesses et bassesses de ses compatriotes, ici un prêcheur populiste et avide d'argent qui pactise avec les bourgeois qui l'asservissent, là un valet totalement immonde, vraie balance ricanante, qui précipitera la perte de ses frères de couleur. Un film totalement juste et équitable, donc, et on se demande comment une telle chose a pu sortir sur les écrans de l'époque. En tout cas, voilà un cinéaste courageux, qui réussit à faire des films jusqu'en 1948 envers et contre tout le système en place. Un rebelle, un vrai.

Evelyn Preer – Within Our Gates (1920) Sylvia Landry 3b

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