Terre sans Pardon (Three violent People) (1956) de Rudolph Maté
Maté nous sert un western résolument plus tourné sur la construction des personnages, les tensions qui apparaissent entre elles, que sur l'action : même si on retrouve des thèmes classiques (des frères ennemis, des méchants profiteurs vraiment trop méchants...), le scénario semble finalement se concentrer sur un point essentiel : ce n'est point tant de la survie du Ranch S dont il question (l'Etat voulant mettre le grappin sur les possessions sudistes du Texas à la fin de guerre de Sécession) que de celle du couple formé par Charlton Heston (pas un fine guêpe) et sa compagne, la redhead Ann Baxter (et sa taille du guêpe pour le coup) ; le pitch est clair comme l'eau de Volvic : Heston a eu le coup de foudre pour la donzelle (après une première confrontation où, en gentleman qu'il est il l'a secouée dans tous les sens : la classe...) sans se rendre compte que celle-ci avait un certain passé plutôt léger (hum, hum, voyez). Il l'embarque dans son ranch fier comme Artaban mais dès qu'il va avoir vent du passé de sa Belle, il va la jouer outré (Ah cette vanité de mâle, tout de même). Mais un éclair d'intelligence peut encore éclairer le Charlton...
Maté prend son temps pour nous faire comprendre que le Charlton a la tête un peu près du bonnet : il aime qu'on le considère comme un héros depuis qu'il a sauvé son frère (qui a perdu un bras tout jeune dans un moulin... Moi aussi j'ai souffert dit-il en prenant a volo du chocolat), il juge sa femme à la première alerte (alors même qu'il l'a vue arriver en ville avec d'autres filles de joie), il décide de se rebeller immédiatement contre l'Etat qui cherche à le spoiler… Chez les Saunders, on a toujours été de fortes têtes, il continue bêtement et sûrement la lignée sans se poser trop de questions. Il sera tout fier de stopper son frère et sa douce quand ils tenteront un coup de Trafalgar (ils se barrent avec les chevaux) mais finira par comprendre qu'à force d'être trop obtus, on risque de tout perdre... C'est l'un de ses hommes de main (l'excellent Gilbert Rolland as Innoncencio Ortega) qui sera le premier à ouvrir une faille dans le caractère psychorigide de ce soldat un tantinet buté... Si l'on peut admirer ici ou là quelques belles images de la plaine, on reste en revanche un peu déçu par ces méchants fonctionnaires caricaturaux et l'absence de séquences résolument marquantes (il faut attendre la toute fin, quasiment, pour avoir un petit peu de nerfs dans la chose). Un western honnête, sagement construit autour de ses personnages principaux, mais on avait l'habitude d'un Maté un peu plus saignant - notamment dans ses films noirs.