Love Hunters (Hounds of Love) de Ben Young - 2017
Un premier film australien qui ne manque pas de qualités, ce qui est assez rare dans ce pays guère cinéphile. C'est que Young a une rapidité d'exécution et une simplicité qui ne ressemblent guère aux jeunes chiens fous, et réussit un film troublant, épuré, tout à fait bien tenu. Dès le premier plan, on reconnaît l'oeil d'un vrai cinéaste : un travelling au ralenti le long d'un quartier de pavillons bien sages, avec pelouses bien tondues et niches à chiens, soleil de rigueur et jeunes filles en fleurs aux jupettes courtes en train de s'égayer : le lieu idéal pour développer l'horreur, le lieu de tous les fantasmes de peur depuis Spielberg et Lynch. Et effectivement, peur il y aura ; en quelques plans secs, Young plante sa situation : des jeunes filles se font enlever, séquestrer, violer puis tuer dans ce confort bourgeois si lisse en surface. A l'heure où une nouvelle victime va tomber, on fait connaissance avec les ravisseurs : un couple "ordinaire", qui cache dans le secret de leur intimité domestique chaînes, godemichés et paires de ciseaux coupants, compensant leur amour erratique par des séances de sadisme sur ces adolescentes innocentes. De leurs motivations, on saura peu de choses, Young est du genre à ne livrer que des ébauches d'hypothèses : un sentiment d'infériorité du mec compensé par sa prise de pouvoir sur les prisonnières, un amour et une soif de maternité pour la femme. Mais Young ne mange pas de ce pain-là : la psychologie, même présente, ne l'intéresse que peu. La confrontation entre ces prédateurs ordinaires et leur nouvelle victime l'intéresse beaucoup plus, et le film déploie sa savante mise en scène avec une vraie maîtrise.
Toujours crédibles (sauf sur la toute fin, très ratée), les comportements de chacun font vrai, et le réalisme du film force le respect. On ne montre aucune horreur ou presque, tout se déroule sobrement, derrière les portes, tout est suggéré (un sex-toy qui traîne, un hurlement, une tâche de sang), et ça suffit pour que monte un malaise constant. Il faut dire que les acteurs aident bien à la chose, Emma Booth en victime-bourreau complètement inattendue, capable de tendresse puis de violence dans la même scène, et Stephen Curry, clone de Sean Penn en moins glorieux, petit bras mégalo et bourré de névroses. Quand ces deux-là s'embrassent en regardant en biais leur victime enchaînée au lit, on tremble pour elle. La belle construction du film nous présente un montage alterné avec la famille de la jeune fille enlevée, sorte de double du couple central, qui convoite lui aussi Vicky pour des raisons psychologiques (un divorce récent, des sentiments d'appartenance à prouver). Dans ce maelström de non-dits et de pulsions malsaines, Vicky est la victime sacrificielle, et la jeunesse semble bien l'être aussi, comme le laisse entendre le film qui peut se lire comme une variation sur le joueur de flûte de Hamelin. Dommage que Young ne sache pas terminer son film, fasse quelques erreurs de mise en scène (notamment dans les scènes "d'action", très banales et assez illisibles) et s'arrête un peu à mi-chemin de cette exploration de la monstruosité domestique ; sans ça, son film est impressionnant, et son style déjà très en place.