Calmos (1976) de Bertrand Blier
Calmos confirme tout le bien et tout le mal qu'on pense de Blier : une fois qu'il a écrit les premières scènes plus ou moins loufoques, il part en vrille, pour ne pas dire, insulte suprême, en bigardisme. Marielle et Rochefort se retrouvent sur les trottoirs de Paris, ils en ont plein le cul des femmes. Ils interpellent le premier venu (Piéplu) et on est en quelques minutes en territoire blieresque connu. Nos deux acolytes partent se refaire une santé, sans femme, à la campagne (comme les films de Blier finissent généralement par ce genre de lieu isolé, on se demande comment il va tenir sur la longueur... on n'a pas tort d'avoir peur). Jean-Pierre, Jean + bientôt Bernard (Blier, inénarrable « pater de » en curé) se font des super bouffes de charcutailles, des petits plats où le cholestérol, disons-le, règne en maître. Deux-trois réparties à la con (peut-être un tantinet teintées de misogynie, mais à peine), deux-trois mimiques inimitables (Bernard Blier rougissant de plus en plus à chaque plan - est-ce un don d'acteur, la vinasse, ou un travail de maquillage ? Le mystère reste entier), deux-trois rires qui respirent la joie de vivre, on reste à peu près dans les clous... Et puis, oh putain, et puis tout part en cacahuète.
On a d'abord droit à un numéro de charme de Brigitte Fossey aussi crédible en femme fatale que moi en soubrette, au retour (forcé) de nos deux héros sur Paris chez leur bonne femme, puis à la (nouvelle) fuite de nos deux héros qui n'en peuvent plus du tout de leurs gonzesses... Et là, Blier pète son frein et on se retrouve en pleine brousse, avec d'un côté les hommes (nommément des "résistants") qui ont fui épouses et amantes et de l'autre des femmes (militarisées) en quête de bites (appelons un os un os). On savait que Blier pouvait être no limit, qu'il pouvait manquer cruellement d'idées pour finir une œuvre (entre 15 minutes pour les chefs-d’œuvre (du sieur) à 1h30 pour les bouses), mais là il tombe tellement bas (une misogynie totalement assumée et décomplexée ; une vulgarité florissante dans les mots ou les scènes - les femmes, nues, en rang d'oignons (l'expression est juste) qui se lavent le sexe : la grande grande classe) qu'on a un peu honte pour lui... On pensait franchement qu'il avait touché le fond (no comment) dans le machisme crasse (toutes des salopes, c'est clair) mais il achève son œuvre avec Marielle et Rochefort en vieillards faisant du deltaplane (le fond en transparence le plus dégueulasse de tout le XXème siècle) et terminant leur course... dans un immense vagin (Vous voyez Tarkovski ? Ouais, rien à voir). Criss, comme dirait l'autre... On a le cœur au bord des lèvres comme dirait mon comparse qui s’est mis au vert. Alors, il faut au moins reconnaître à l'homme à la pipe la capacité d’aller jusqu'au bout de son délire et de son imaginaire (vulgaire, certes pour ne pas dire sous la ceinture, pour ne pas dire à ras de la moquette) ; Calmos demeure un véritable ovni (même si on faisait souvent n'importe quoi dans les seventies...) qui serait franchement totalement impossible à produire aujourd'hui... Mais c'est sans doute pas plus mal, on se dit aussi... Avoir de l'audace ne pèse pas forcément beaucoup dans la balance face au graveleux ultra lourdingue. Reste une poignée d'acteurs en free lance dont l'ami Rochefort as Albert : cela permet au moins de rendre hommage à notre trublion à moustache favori. Jean, tu fus courageux et tins ton rang, fus fin même dans le gras. (Shang - 13/10/17)
_______________________________________________________
Eheh oui, aucun doute, ça sent le vieux pet et le rognon de veau, et je ne peux que suivre mon camarade dans l'affliction quant au fond bien ranci de la chose. On peut mettre ça sur le compte de l'humour gaulois, et c'est vrai que pendant une bonne heure, ça fonctionne : les saillies mariellesques sur les bonnes femmes ne peuvent que faire doucement (et discrètement) marrer, tant Blier y va au bulldozer pour les envoyer au diable. Quiconque en a eu sa claque un jour ou l'autre de l'engeance féminine ne peut que se fendre la poire devant cet étalage de fierté phallique, tellement excessive qu'elle devient drôle. Alors, on rit devant ces repas gargantuesques à 1 heure du matin, devant ce refus obstiné du sexe de nos deux compères, devant cette camaraderie virile, et devant les phrases toutes faites sur la perte des hommes-des-vrais, les vertus du cholestérol ou l'aspect « casseuses » (comme dit Brassens) de nos concitoyennes. Il y a un côté Brassens justement dans ces scènes jusqu'au-boutistes, et on sent bien que, comme chez lui, ce sont tout autant les hommes que les femmes qui sont fustigés : ceux-ci sont décrits dans toute leur trivialité et leur suffisance de mâles dominants, et la farce (qui n'est pas toujours bien tenue, certes) est tout autant misogyne que misandre à mon avis. L'excès y est tellement brandi qu'on ne peut guère y voir un réel discours politique.
Mais comme dit Shang, Blier ne sait pas s'arrêter et pousse de plus en plus loin ses situations surréalistes et ses provocations de gosse. Si bien que le film s'enfonce peu à peu dans le gênant : la très longue séquence où nos deux héros servent de godemiché à une palanquée de femmes nues, l'exploration du vagin géant, sont des moments trop grossiers pour faire rire vraiment. L'outrance est à manier délicatement, c'est la leçon du jour, et il y a peu entre la grossièreté et la vulgarité. Malgré le bagout des comédiens et la force d'imagination de Blier, le film s'enfonce dans la gadoue, et on termine assez consterné la vision de la chose. (Gols – 01/03/24)