LIVRE : Imitation de la Vie d'Antoine Mouton - 2017
J'ai beaucoup reculé l'instant fatidique d'écrire cette chronique, parce que, voyez-vous, malgré mon intelligence infinie et ma sensibilité légendaire pour comprendre les textes, je n'ai absolument rien capté à ce roman-là. Mais ce qui s'appelle rien. Derrière ce titre sirkien se cache en effet un texte qui prend volontairement le contre-pied de nos attentes, commençant une trame pour la remplacer aussitôt par une autre, nous faisant croire qu'on va suivre tel personnage pour mieux le faire disparaître corps et bien à la page suivante, jouant sur les registres pour mieux nous perdre dans les méandres labyrinthiques de sa trame. Bon. Mouton l'avait annoncé, il ne s'attaque pas à la vie, mais à une imitation d'icelle, à nous de faire avec. Après le passionnant Metteur en scène polonais, le bougre monte la barre de 12 crans et se coltine, disons, à l'ardu problème de la trame, sa construction, ses clichés, jonglant avec tous ces éléments façon camelot. Pour le meilleur parfois, pour le pire souvent.
Côté meilleur, notons que, malgré l'opacité de ce qui nous est raconté, on s'attache peu à peu à cette trame enchâssée dans une autre, elle-même enchâssée dans une autre, etc, façon poupées russes. Le début est même assez marrant : un couple de psys découvre qu'ils ont sans le savoir affaire au même patient, d'où une crise secrète de jalousie entre eux. On commence à apprécier l'humour mordant de cette situation, quand on apprend que ce patient est mort dans un incendie, laissant derrière lui un manuscrit. On passe alors à la lecture de ce manuscrit, l'histoire d'un type qui décide se retirer dans une petite ville de banlieue parisienne pour y ouvrir un cinéma expérimental. Ok, on veut bien, mais les psys ? Bon, d'accord, on oublie, et on accepte cette nouvelle histoire, elle aussi agréable, qui mélange allègrement le polar (des disparitions d'habitants qui deviennent de plus en plus fréquentes), le fantastique (des mystérieuses chambres inconnues prennent naissance dans les maisons de la ville), la chronique de moeurs (un mariage raté avec une nymphomane, des amis aux liens fluctuants) et la comédie (endossée notamment par la mère du héros, dyslexique). On suit la chose amusé, c'est vrai, le style de Mouton est bien rythmé, son univers original, et sa manière de toujours repousser les explications de tout ça intrigue. Dans les dernières pages, le gars se laisse aller à la pure abstraction, je n'ai strictement rien compris, ne demandez pas. Tout ça donne un roman morcelé, un peu agaçant d'opacité revendiquée, sentant même parfois le petit malin buñuelien à pas cher. C'est curieux : la lecture est agréable, mais le goût qui en reste est très frustrant. On a l'impression d'une certaine facilité dans le projet : à force de dire sans dire, de tourner autour d'un sujet (la vanité des ambitions, peut-être ?) sans jamais l'affronter, d'emboîter les scènes de rêve dans les scènes de rêve, on peut faire à peu près ce qu'on veut. Ce n'est pas le procès que j'intenterai à Mouton, qui a sûrement une idée derrière la tête en écrivant ce livre, mais pour moi, je suis passé à côté. Et même à plusieurs kilomètres...