Un Homme et une Femme (1966) de Claude Lelouch
Chabadadzouing Chabadadzouing - Oui, c'est vrai qu'il était tentant de faire tout un paragraphe comme ça. Voir trois. Cela aurait permis de rester léger et superficiel et d'éviter toute polémique facile. Mais on ne mange pas de ce pain sur Shangols. Sans vouloir tirer sur l'ambulance (tout au plus avec une simple carabine à plombs), disons qu'on est d'abord surpris : on gardait en tête l'idée d'un film tout en noir et blanc et il n'en est rien (comme quoi le cerveau est malicieusement sélectif) : on a de la couleur, du bleu et noir, du noir et blanc quand même un peu, tout cela étant mis bout à bout sans qu'on comprenne franchement la logique de la chose d'ailleurs. Un Homme et une Femme, film majeur dans la carrière de Lelouch (ce qui reste relatif), est en toute objectivité un étrange roman-photo. Etrange car constamment en mouvement et bourré de musique (ce qui ne caractérise pas le concept même du roman-photo me direz-vous pusillanime). N'empêche qu'à la revoyure, c'est la seule option qui vient en tête. Fi des chabaalainchabada, il y a tellement pléthore de trucs musicaux (tiens Nicole Croisille putain, déjà ?) qui envahissent le film à mesure qu'il avance (ou qu'il s'enfonce), qu’on a bien du mal à croire que c’est du cinéma... On pourrait parler de clip, si on voulait avoir l'air un tantinet moderne, il serait sans doute plus juste d'employer le terme de scopitone tant la chose est molle et froide. Attention, on sent que le gars Lelouch n'est pas un manchot avec sa caméra (plus doué pour filmer les voitures que les acteurs, certes - et les diriger aussi), qu'il y a un gros taff de montage (putain de flash-back ou de flash-back "alterné" mêlant ainsi notamment images de tournage avec chameaux et vingt-quatre heures du Mans : le tout exécuté avec une assurance confondante) et qu'on ne chipote pas sur les nappes musicales - chantées ou pas, ça n'arrête jamais. On reste forcément plus dubitatif sur les dialogues (signés Pierre... Uytterhoeven : trouvez l'anagramme, j'ai envie de dire... comment faire confiance à un type qui n'écrit même pas son propre nom dans l'ordre !) qui sont finalement quasi inexistants hors scènes typically lelouchiennes de pure "improvisation" (on passe rapide sur les scènes avec les mioches, inintéressantes au possible, pour s'attaquer à the scène en impro entre Trintingnat et Anouk Aimé sur le thème : 'je m'imagine pas en acteur" - putain, forcément, le doute s'installe quand on se retrouve dans un Lelouch - le résultat est affreusement poussif et on les sent tous les deux diablement gênés de faire semblant). Mais sinon ?
Sinon on a droit à d'interminables scènes en bagnole sous tous les temps (le film serait produit par Michelin que cela ne m'étonnerait guère - j'ai pu ainsi me couper les ongles des pieds à mon aise - pas grave de rater quelques secondes entre le passage de la troisième à la quatrième), à des regards tristes à mourir de Jean-Louis et d'Anouk quand leur histoire au lit ben ça marche pâs (oui, la première et dernière scène d'amour est pleine de frustration - elle ne parvient pas à oublier son mari mort qu'elle prenait tant de plaisir à embrasser en tourne-boulant dans la neige (il était cascadeur, hein forcément... ah sacré Claude, tiens)) ou encore à des scènes avec un chien qui court sur la plage qui tendrait à faire croire que le gars filme franchement tout ce qui lui tombe sous la main. On se retient de rire devant les belles images d'Epinal (j'ai adoré la promenade à cheval en Camargue... tu m'étonnes que le cerveau ne retient rien après... ou en noir et blanc au mieux), devant les clins d'oeil nouvellevaguiennes qui n'en sont peut-être pas (Trintignant avec un cigare en bagnole belmondoaboutdesoufflissime en ouverture ; ou encore ce magnifique pompage de dialogues de Demy "- Essence ou bien Super / - Super" (mais j'extrapole sans doute)) ou dans cette façon de montrer à quel point les hommes sont romantiques à mort (Trintignant fait 25.000 bornes pour reconquérir trente fois l'Anouk, on sent bien qu'on est juste avant le choc pétrolier - qui signera la mort de Lelouch, j'ai presque envie de dire). Au final, même si on était parti, franchement, pour essayer de dire que le truc (il est tellement de bon ton de nos jours de trouver Lelouch ringard et dépassé) gardait encore un certain charme (il y a cinquante ans, les gars, cinquante), on ne peut qu'achever cette chronique avec un air contrit et embarrassé. Lelouch, c'était mieux avant... qu'il débute. Shangols est en colère today...