La Maison sur la Plage (Female on the Beach) (1955) de Joseph Pevney
On continue notre exploration des petites séries B (dans le film noir this time) qui mérite le coup d'oeil : Pevney, en bon petit artisan, a su d'abord s'entourer d'un excellent directeur de photo (Charles Lang, si tu nous écoutes), adapter une pièce avec des dialogues assez tranchants (Robert Hill if you're listening to us), prendre un chef costumier assez coquin (Sheila O'Brien dont la devise semble être "toujours plus court" - ça tombe bien, les jambes de l'héroïnes sont fuselées) et rassembler un casting musclé (la brune Crawford vs la blonde Jan Sterling et au milieu le gros morceau Jeff Chandler). Du coup, même si ce petit film n'a rien d'exceptionnel, il faut lui reconnaître un certain talent pour nous tenir en haleine, nous faire sourire grâce à quelques répliques mordantes et nous charmer par sa plastique au sens larger. Venons-en au scénar : la jeune veuve Crawford (qui semble avoir épousé par le passé un homme plutôt friqué - il y a toujours suspicion...) revient habiter dans un appart en bord de plage... La veille, il y eut un drame : une femme entre deux âges est passée par la balustrade... Fut-elle poussée par le beau gosse Chandler, un type assez sulfureux qui lui tournait autour (plus pour sa thune que pour son physique, apparemment), un jeune homme tout en pectoraux et en sourire Colgate qui est entretenu par des vieux chelous... Crawford n'a pas tardé à cerner le marlou qui s'impose chez elle dès les premiers jours : moi, mon gars, je ne mange pas de ce pain-là ; je suis venue ici pour être tranquille, au calme, loin des autres ; alors un câlin en échange de ma thune tu plaisantes, dégage ; attends, tu disais "un calin" ? Bon un petit alors… C'est quand même mieux que de se noyer dans l'alcool. La Joan met le doigt dans un engrenage et le Jeff de se faire super lover de la belle. Par pure vénalité ou simplement par coup de foudre ?
Si le personnage de Crawford est assez bizarrement dessiné (elle envoie chier tout le monde dans un premier temps - pure féline avec un joli sens de la répartie ; puis se fait toute chatte dans les bras du Jeff - on l'imaginait avec la cuirasse plus dure...), si on tique méchamment lors d'une séquence des plus bancales comme on ne les affectionne guère (l'homme qui veut forcer la donzelle à tomber dans ses bras... Elle résiste, s'enfuit, puis cède... Hum), il faut reconnaître que le petit couple qu'ils finissent par former a quelque chose d'hitchcockien : ces deux-là sont-ils follement amoureux et se foutent-ils du reste du monde ou l'un d'eux (surtout le Jeff) est-il un putain d'opportuniste qui attend son heure pour se jouer de la Joan... Plus on doute de lui et plus la Joan doute avec nous - et si je n'étais pas en train de faire une grosse connerie, aveuglée que je suis par amour ?... La suspicion se fait de plus en plus lourde et l'on s'accroche à ce petit scénario plus retors qu'on l'aurait cru. La séductrice Joan (étaient pas mal les shorts en 1955) va-t-elle se faire prendre au jeu du séducteur Jeff qui est taillé dans un canapé en cuir du Texas ? La police veille, un couple de vieux complote dans l'ombre, et une ancienne amante blonde de Jeff joue les trouble-fête. Pevney, avec les moyens du bord, trousse un petit noir qui à défaut d'être époustouflant ne trompe pas sur la marchandise (le sens des dialogues n'étant tout particulièrement pas toujours au rendez-vous dans ces petites productions, c'est clair)